Le choix des armes

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Revolvers, fusils et carabines, les Irakiens ont toujours aimé les armes. Du temps de Saddam Hussein, il fallait une demande officielle et une longue enquête de la police secrète pour obtenir un permis. Avec l’anarchie qui règne aujourd’hui à Bagdad, ce qui était autrefois un amusement ou une passion est devenu une nécessité. Dans de nombreux quartiers, ni le téléphone ni l’électricité n’ont été rétablis. Les soldats américains et les policiers irakiens ne s’y risquent pas la nuit. Les rues sont de vrais coupe-gorge. Mieux vaut donc avoir de quoi se protéger pour s’y promener. Comme pour se défendre, chez soi, contre les pillards.
Des armes, rien de plus facile que de s’en procurer quand on a les dinars nécessaires, raconte l’envoyé spécial du Wall Street Journal en Irak, Yaroslav Trofimov. Dans le quartier résidentiel du Nouveau Bagdad, par exemple, elles avoisinent sur les étalages, en pleine rue, les mangues, les tomates et le whisky. Les patrouilles américaines font trois tournées par jour, mais dès qu’elles apparaissent, les armes, elles, disparaissent. Aucune n’a été saisie, ces jours derniers.
Pour une version hongroise d’un kalachnikov, le vendeur demande 100 000 dinars, l’équivalent de 32 euros. Et reconnaît qu’elle est le produit d’un pillage. Un peu plus loin, un autre vendeur, qui avoue 28 ans, propose des mitraillettes russes. Il les achète, en gros, 150 000 dinars pièce, et les revend 200 000 dinars. Il en a vendu trois, ces trois derniers jours. Les armes de gros calibre, mortiers ou grenades, ne coûtent pratiquement rien : la ville en est jonchée. Les plus recherchées sont les pistolets de petit calibre, qu’on peut dissimuler dans un sac ou dans la poche.
Qui sont les acheteurs ? Ce jour-là, Trofimov a rencontré une jeune femme voilée, Selwa Joumaa, mère de deux enfants. Elle venait d’offrir un ballon de football à son fils. Elle passait au marché en plein air compléter ses achats avec un pistolet. « Nous ne voulons pas d’armes, nous voulons la paix, disait-elle. Mais nous n’avons pas le choix. »
Autre rencontre : un chiite de 53 ans, Alaa Habib. « Vous savez pourquoi j’achète cette carabine ? a-t-il lancé à Trofimov. Pour tuer les soldats américains s’ils ne s’en vont pas ! »
Baan Jaafar Sadeq est une habituée du marché du Nouveau Bagdad. Ancienne championne de tir, 32 ans, elle est aujourd’hui institutrice. Elle avait acquis, ces jours derniers, un kalachnikov AK-47, un fusil à air comprimé et un pistolet 9 mm. Elle était en quête d’un pistolet 5 mm en parfait état – pas facile à trouver. « Avant, a-t-elle expliqué à Trofimov, j’aimais les armes parce que j’aimais le tir. C’était un sport où j’étais bonne. À présent, c’est une question de survie. »

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