« J’ai le soutien de nombreux dirigeants africains »

Amara Essy est candidat à la présidence de la Commission de l’Union africaine, pour continuer le chantier qu’il a ouvert depuis deux ans.

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

Ancien ministre ivoirien des Affaires étrangères (et actuel président intérimaire de l’Union africaine), Amara Essy, 59 ans, explique ici les raisons qui l’ont poussé à briguer le poste de président de la Commission de l’organisation panafricaine, dont l’élection interviendra en juillet prochain à Maputo (Mozambique).

J.A./L’INTELLIGENT : Vous êtes donc candidat à la présidence de la Commission de l’Union africaine…
AMARA ESSY : J’ai pris la décision de me présenter, avec le soutien de mon pays, non pas parce que je suis à la recherche d’un emploi, mais par conviction. J’estime que sans une Union africaine homogène et forte, notre continent n’a pas d’avenir. Il suffit d’observer ce qui se passe autour de nous pour s’en persuader. Les pays européens, asiatiques, latino-américains et même le Canada, les États-Unis et le Mexique se sont regroupés dans de grands ensembles politiques et économiques. Par le passé, et avec les moyens du bord, l’Organisation de l’unité africaine a fait ce qu’elle a pu dans la lutte pour la libération de pays comme le Zimbabwe, la Namibie, et pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Aujourd’hui, il faut s’atteler à construire une Afrique mieux intégrée au reste du monde, politiquement et économiquement…

la suite après cette publicité

JAI : Qu’est-ce qui vous fait croire que vous êtes l’homme d’une telle mission ?
AE : J’ai trente ans d’expérience dans les relations internationales. J’ai représenté la Côte d’Ivoire, notamment aux Nations unies, puis j’ai occupé, pendant une dizaine d’années, les fonctions de ministre des Affaires étrangères. Je connais donc du monde. Des Latino-Américains, des Asiatiques, des Européens, sans oublier, bien entendu, des Africains. En disposant de la durée, je peux mettre mon expertise et mes relations au service du continent. C’est sans doute pour cela que beaucoup de chefs d’État africains m’ont approché pour me demander de me porter candidat à la présidence de la Commission. Tout comme beaucoup d’Africains que j’ai rencontrés, ces derniers temps, ils ne comprennent pas que je veuille me retirer à mi-parcours, après avoir élaboré les textes créant les principales institutions de l’Union africaine.

JAI : Dans quelles conditions avez-vous travaillé depuis votre prise de fonctions en septembre 2001 ?
AE : Franchement, dans de très mauvaises conditions. J’ai pris les rênes de l’OUA, en 2001, au moment où l’organisation procédait à une restructuration interne, laquelle a été immédiatement suivie d’une hémorragie du personnel. Les conditions salariales n’étant pas très attractives, beaucoup de cadres compétents ont préféré aller monnayer leur savoir-faire dans des institutions onusiennes… Malgré ce handicap, nous avons réussi à rédiger les textes créant la Commission, la Cour de justice, le Conseil de paix et de sécurité, la Banque centrale de l’Union africaine, la Commission des droits de la femme, etc. Ce sont là des chantiers à consolider dans les années à venir. Demain, il faudra donc un homme d’expérience à la tête de la Commission, d’autant plus que nous démarrons à cinquante-trois, alors que l’Europe a commencé son union avec six États.

JAI : Quels sont les appuis dont vous disposez en dehors de la Côte d’Ivoire ?
AE : Le fait que mon pays traverse une mauvaise passe depuis septembre 2002 et que nos relations se soient sérieusement dégradées avec certains de nos voisins représente un handicap dont ma candidature pourrait souffrir, mais je suis persuadé que beaucoup de chefs d’État transcenderont ces divergences conjoncturelles et voteront pour moi. Je suis, certes, le candidat de la Côte d’Ivoire, mais je postule à une fonction où l’équation personnelle compte énormément. En dehors du président Laurent Gbagbo et du Premier ministre Seydou Diarra, j’ai le soutien de beaucoup de dirigeants africains, que je ne peux, par mesure de discrétion, nommer…

JAI : Votre unique adversaire, dans cette compétition, est l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré. N’y a-t-il pas, dans cette élection, un Ouest-Africain de trop ?
AE : C’est vrai, mais je n’y suis pour rien. Je connais personnellement et j’apprécie le président Konaré, tout comme le Mali, j’ai passé une partie de ma jeunesse et où je compte encore beaucoup d’amis. Le fait qu’il y ait deux candidats ouest-africains prouve simplement qu’il y a un dysfonctionnement dans la sous-région. En d’autres temps, un simple coup de téléphone entre deux chefs d’État aurait suffi pour sortir de l’impasse.

la suite après cette publicité

JAI : Peut-on faire du neuf avec du vieux ? Utiliser certaines structures et faire appel au personnel de l’OUA pour faire fonctionner l’Union africaine ?
AE : C’est difficile, pour ne pas dire impossible. J’ai assisté à une trentaine de sommets de l’OUA en tant que diplomate, puis ministre des Affaires étrangères. Vue de l’extérieur, la machine a l’air de tourner. Mais une fois qu’on est à l’intérieur, comme c’est mon cas depuis bientôt deux ans, on se rend bien vite compte qu’elle est sclérosée. Beaucoup de fonctionnaires ont pris de mauvaises habitudes. Nombre d’entre eux ne croient pas à l’unité, encore moins à l’union continentale. Ils ne prennent pas d’initiatives, ne s’intéressent pas à la marche du monde, ne connaissent rien au milieu des affaires. Beaucoup d’entre eux font ce job comme un autre, alors que c’est un sacerdoce. L’Afrique de demain sera sans doute bâtie par de jeunes entrepreneurs, des investisseurs, et non pas par des fonctionnaires qui attendent tranquillement que leurs salaires tombent à la fin du mois et réclament à tout bout de champ des augmentations. Je suis persuadé que si, demain, la moitié des commissaires sont des gens dynamiques, ouverts et dévoués à la cause africaine, ils feront du bon travail, avec des retombées pour les populations. Mais il faudra du temps, car l’Union africaine, ce n’est pas pour nous, mais pour les générations futures…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires