Guerre du câble

Pour ou contre la télévision câblée ? La Cour suprême, dominée par lesfondamentalistes, et le gouvernement s’affrontent.

Publié le 28 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Fini les paillettes de « Bollywood », le Hollywood indien. Adieu les actualités sur CNN, Al-Jazira ou la BBC. Depuis le 19 janvier, les Afghans sont privés de télévision câblée, le contenu de la plupart des programmes ayant été jugé « obscène et contraire aux principes de l’islam » par les autorités religieuses du pays. Du coup, Mawlawi Fazel Hadi Shinwari, le chef de la Cour suprême, a ordonné l’arrêt immédiat de toute diffusion, et les cinq opérateur de Kaboul, la capitale, ont été contraints par la police de fermer boutique. « C’est injuste : j’ai payé les taxes, ma licence est en règle et je m’efforce de pratiquer l’autocensure, que dois-je faire de plus ? » s’interroge l’un d’eux, un nommé Aimal Khan.
Les talibans avaient été les premiers à bannir la télévision. Après leur renversement, à la fin de 2001, les Afghans se sont précipités sur tout ce qui concerne l’information, les loisirs et la culture. Pour les moins riches, le câble s’est vite imposé comme la solution idéale : un mois d’abonnement coûtait 4 dollars, soit trois jours du salaire moyen. « Après un an d’exploitation, je comptais environ mille cinq cents clients, à qui je fournissais dix-huit heures de programmes quotidiens et le choix entre une vingtaine de chaînes », indique Mohamed Humayun, directeur de l’unique opérateur de Jalalabad, dans l’est du pays. Au mois de décembre 2002, la police a interrompu ses retransmissions, sur ordre de la Cour suprême. Un mois plus tard, c’était au tour de Kaboul…
Depuis son investiture, le 13 juin 2002, le président Hamid Karzaï peine à asseoir la légitimité de son gouvernement, plutôt moderne et libéral – tout est relatif -, face à une Cour suprême contrôlée par les conservateurs proches du parti fondamentaliste Jamat-e-islami. Sa marge de manoeuvre est fort étroite. Dès le 21 janvier, Sayed Makhdom Raheen, son ministre de la Culture et de l’Information, a contesté publiquement la décision de la Cour suprême. Selon lui, son ministère est « seul habilité à autoriser ou à interdire un opérateur ». Le 27 janvier, pour tenter de trouver un compromis, Karzaï a mis en place une commission spéciale composée de quatre ministres. Elle est officiellement chargée d’enquêter sur le bien-fondé des accusations de Shinwari. Selon toute apparence, elle devrait se prononcer pour la remise en service du réseau câblé. En attendant, la diffusion des émissions n’a toujours pas repris.
Dans ces conditions, l’ouverture aux nouvelles technologies ne s’annonce pas comme une partie de plaisir. « Sans tomber dans l’excès, il faut bien voir que les médias afghans fonctionnent encore sur le modèle soviétique, avec une personne chargée en permanence d’appuyer sur le bouton de la censure », estime Vincent Broussel, de l’association Reporters sans frontières (RSF). Grâce à certaines organisations internationales et à quelques privés, les Afghans commencent à utiliser Internet. Mais plus de la moitié des données diffusées par cet intermédiaire ayant trait au sexe, il faut s’attendre à une réaction de la Cour suprême. D’autant que l’Afghanistan est l’un des seuls pays au monde à n’avoir jamais tenté de réglementer le Web.

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