Dr Mo : le choix du cellulaire

Opérateur de téléphonie mobile implanté au sud du Sahara, la société MSI-CI revendique son identité et ses origines africaines.

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

La société MSI-CI, dont le Dr Mohamed Ibrahim est le fondateur, est rapidement devenue un acteur clé de ce secteur. Né au Soudan en 1946, Mo Ibrahim a vécu en Égypte, où il a entamé des études d’ingénieur. Il les poursuit en Angleterre, où il se spécialise en téléphonie mobile. Au début des années quatre-vingt, il devient directeur technique chez Cellnet, filiale de British Telecom, qui développe le premier réseau cellulaire au monde. En 1989, il fonde sa propre société de conseil, Mobile Systems International (MSI) et élabore un logiciel, Planet, qui permet d’optimiser la conception de réseaux de téléphonie mobile. MSI, au top niveau de la technologie, va conseiller des clients en Europe, en Asie et en Amérique.
L’Afrique n’est pas oubliée pour autant. En 1998, le Dr Ibrahim va créer à Amsterdam une filiale, MSI-Cellular Investments, qui se consacrera au développement de réseaux GSM sur le continent. Le premier pays d’implantation sera l’Ouganda. MSI-CI est maintenant présente dans treize pays d’Afrique subsaharienne. La stratégie de Mo Ibrahim s’est révélée fructueuse. Ce marché connaît toujours un taux de croissance supérieure à 40 % par an. MSI-CI est solidement soutenue par un panel d’investisseurs.
La bonne tenue de MSI dans un secteur en difficulté s’explique aussi par des campagnes de promotion musclées, mais surtout par la création de nouveaux services adaptés aux réalités locales. Le dernier en date, Celpay, sorte de porte-monnaie électronique, a été expérimenté en Zambie, et devrait susciter un fort engouement. Le commerce dans les pays pauvres souffre de la quasi-inexistence de moyens de paiement autres que le cash. Un paiement sécurisé et quasi immédiat a été mis en place à partir des téléphones mobiles. À la suite du succès rencontré, MSI a décidé d’étendre cette offre à d’autres pays.

JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Vous avez consacré votre vie professionnelle à la téléphonie mobile. Est-ce un hasard ?
MOHAMED IBRAHIM : Non, j’ai une véritable passion pour ce métier. J’ai travaillé sur la conception de réseaux de téléphonie mobile dès le début de ma carrière. J’ai passé un doctorat sur ce sujet dans les années soixante-dix.

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JAI : Comment situez-vous MSI par rapport à ses concurrents ?
MI : MSI occupe une position unique. De très nombreuses multinationales développent des activités en Afrique. Mais notre stratégie est d’être une société africaine, avec la volonté de créer un réseau panafricain. Nous avons décidé d’avoir le même nom, Celtel, dans les différents pays nous sommes présents. Nous sommes conscients que le colonialisme a créé des frontières politiques qui divisent des communautés. Et notre souhait est de relier, à nouveau, ces communautés entre elles. Il faut que les gens des différents pays puissent se parler. Par exemple, entre les deux Congos, nous avons mis en place une liaison par faisceaux hertziens à un tarif exceptionnel, équivalent à un tarif local. Faire transiter les communications par l’Europe pour relier Kinshasa et Brazzaville, les deux capitales les plus proches au monde, était une aberration. Le marché africain souffre d’un cruel manque d’infrastructures de communication. Et le coût de mise en place d’un réseau y est élevé. C’est pourquoi Celtel a pu bénéficier du savoir-faire de la société MSI, qui a développé des outils pour optimiser la réalisation de réseaux.

JAI : Souhaitez-vous davantage de coopération avec vos concurrents ?
MI : Pourquoi pas ? Nous pourrions, par exemple, partager des infrastructures de télécommunications et mettre en place des interconnexions entre les réseaux. Obtenir une meilleure infrastructure à moindre frais serait profitable, surtout dans des pays où les investissements sont réduits. Nous y arrivons parfois, mais cela reste difficile, car certains opérateurs ne cherchent que des avantages à court terme. Il en résulte une multiplication des antennes relais. Lorsque nous mettons nous-mêmes en place une liaison de transmission, nous acceptons de louer des capacités à d’autres opérateurs. Le Congo-Brazzaville est un bon exemple de réussite. Le réseau de communications par faisceau hertzien entre Brazzaville et Pointe-Noire installé par Celtel est utilisé par les différents opérateurs.

JAI : Les sociétés de téléphonie mobile sont très endettées. Est-ce que ce secteur reste un bon placement ?
MI : Oui. Nos partenaires ont compris la pertinence de notre stratégie sur le long terme. C’est ainsi que nous avons encore obtenu récemment un prêt de 117 millions de dollars. L’action de MSI valait au départ 2 dollars. Elle vaut aujourd’hui 15 dollars. Dans le même temps, les actions dans le secteur des télécoms ont perdu plus de 60 %. Si tout se passe bien, nous espérons entrer en Bourse en 2005.

JAI : Est-ce que le mobile va demeurer votre activité principale ?
MI : Le téléphone mobile rencontre beaucoup de succès en Afrique. Nous y installons les mêmes infrastructures et les mêmes matériels qu’en Europe, ce qui fait franchir à l’Afrique plusieurs étapes technologiques d’un coup. Nous croyons beaucoup dans le développement de nouveaux services, comme Celpay. En téléphonie classique, la situation est plus contraignante. À ce jour, nous avons investi dans deux compagnies de téléphonie fixe, en Tanzanie et au Soudan. En Tanzanie, nous avons instauré le système de prépaiement, ce qui est nouveau pour la téléphonie fixe, et nous développons des services annexes, comme la vidéoconférence et Internet. Mais nous devons tirer le bilan de ces expériences avant de poursuivre dans cette voie.

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JAI : MSI investit dans des projets humanitaires. Est-ce une opération marketing ?
MI : Nous investissons près de 4 millions de dollars par an dans l’éducation et dans la santé, notamment dans la lutte contre le sida. Nous intervenons dans des pays qui ont connu des conflits dévastateurs. Mais nous ne cherchons pas à valoriser ces actions d’un point de vue marketing.

JAI : Comment voyez-vous l’avenir ?
MI : J’ai confiance dans la capacité de développement de l’Afrique. Nous avons investi sur le continent 500 millions de dollars jusqu’à présent, sans compter les profits qui ont été réinvestis sur place. Notre objectif est de fournir les standards occidentaux aux Africains. Peut-être exploiterons-nous un jour notre savoir-faire sur d’autres continents. Mais notre priorité est de bâtir une force africaine.

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