Ce PNAC qui nous menace

Publié le 28 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Faisons contre mauvaise fortune bon coeur : la guerre que nous voulions empêcher a eu lieu ; de trop nombreux Irakiens ont été tués et leur pays a été matraqué. Mais quel bien peut-il en sortir ?
1. Le premier n’est pas un bienfait, mais une absence de mal : je crois pouvoir vous annoncer, sans risque d’erreur, que nous continuerons à entendre beaucoup de rodomontades émanant de Washington (et de menaces comme celles adressées à la Syrie, qui ont d’ailleurs produit leur effet), mais nous n’aurons pas de nouvelle guerre préventive américaine… avant 2005.
George W. Bush est obligé de nous consentir deux à trois ans de paix, le temps de tenter de se faire réélire
2. Il est plus que probable que le prix du pétrole et le cours du dollar vont baisser simultanément et durablement.
Cela ne fait pas l’affaire de la petite trentaine de pays exportateurs de pétrole, mais arrange les 160 autres qui achètent les 45 millions de barils/jour commercialisés dans le monde (sur les 75 millions produits) : ils les paieront moins de 20 dollars le baril au lieu de plus de 30 avant la guerre.
Les États-Unis, qui importent près de 60 % de leur consommation et qui, de surcroît, veulent un dollar faible, seront les principaux bénéficiaires de ces deux baisses
3. L’essayiste français Guy Sorman a discerné un autre bienfait de la guerre, qui me paraît, à moi aussi, inscrit dans l’histoire des dix années qui viennent. Je le cite : « La démocratisation de l’Irak est possible, elle est même probable. Servira-t-elle de modèle pour le reste du monde arabe ?
« […] Les peuples arabes vont se redresser face à leurs tyrans domestiques qui les enferment dans la misère économique et la terreur policière. Les plus éclairés de ces tyrans deviendront moins oppressifs : déjà la monarchie saoudienne envisage des élections et une libération des femmes. Il faut donc envisager que l’importation de la liberté dans les fourgons militaires américains et britanniques n’était pas un projet absurde ; il ne devrait pas être interdit de le reconnaître. Et, plus encore, de l’espérer. »
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La guerre d’Irak et la situation qui en résulte ont pour auteurs un petit groupe d’hommes qui ont conquis le pouvoir à Washington. Ils ont rédigé un texte qui s’intitule Project for the New American Century (PNAC(*)), qui me paraît être une manière de Mein Kampf.
Publié en septembre 2000 (un an avant les attentats du 11 septembre 2001 !), il décrit le rôle de puissance impériale que ces messieurs assignent à leur pays.
Je ramasse leur « pensée » en quelques postulats : ce qui est bon pour les États-Unis est bon pour le monde ; les États ne sont pas plus égaux que les individus ; nous, Américains, avons tous les droits, les autres, nos satellites, ont quelques droits et les obligations que nous leur fixons ; seuls les États-Unis et Israël peuvent (presque) tout se permettre…
Pour que vous ne pensiez pas que je force le trait, je vous donne à lire ce qu’en dit le grand universitaire et analyste américain Stanley Hoffmann : « C’est un nouvel exceptionnalisme, avec une politique qui vise à détruire les organisations internationales dans la mesure où elles ne se conforment pas à la volonté américaine. Le rôle des États-Unis, c’est de se charger de l’ordre mondial. […] Un impérialisme qui consiste à proclamer qu’il est dans l’intérêt de tout le monde de s’incliner devant l’hégémonie américaine. On attend des alliés qu’ils restent à leur place et qu’ils se conforment à la décision américaine. Et s’ils renâclent, on les excommunie avec les amabilités dont la France et l’Allemagne ont fait les frais ces derniers mois. »
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C’est en application de cette « doctrine » que les États-Unis ont déclenché la guerre d’Irak. Sans l’accord de l’ONU et contre le sentiment majoritaire des peuples du monde.
C’est parce qu’ils pensent que « tout le monde doit s’incliner devant l’hégémonie américaine » que, après la guerre, ils ont tenu à humilier publiquement la Syrie et la France.
Ennivrés par leur victoire sur Saddam, les auteurs du PNAC vont multiplier les manifestations d’arrogance car il est dans la nature de l’impérialisme de ne pas savoir ne pas aller trop loin.
Cela renforcera cette résistance à l’impérialisme, mondiale et multiforme, que nous avons vu naître et s’exprimer avant la guerre d’Irak. Elle s’organisera et se développera peu à peu.
Par leurs actes et leurs propos, les hommes du PNAC créeront, en Irak, aux États-Unis mêmes et partout ailleurs, des réactions en chaîne contre cette étrange dictature imposée au reste du monde par une grande démocratie.
* Projet pour le nouveau siècle américain.

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