Bush et Sharon tracent leur propre route

La plan de paix élaboré par la communauté internationale part en lambeaux avant même d’avoir été officiellement formulé.

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

Si vantée qu’elle soit, la « feuille de route » pour le règlement du conflit israélo-palestinien n’est guère qu’un trompe-l’oeil. Cette initiative, à laquelle le président George W. Bush, dans son discours du 14 mars, se proclama « personnellement engagé » et qu’il promit au Premier ministre Tony Blair, entre autres, de soutenir avec toute la force de la diplomatie américaine, part en lambeaux avant même d’avoir été officiellement formulée.
Ladite feuille de route devait, en principe, être rendue publique dès l’inauguration du nouveau gouvernement palestinien présidé par Mahmoud Abbas [Abou Mazen]. Mais les Palestiniens, comme les Israéliens, savent aujourd’hui que le président américain n’a jamais renoncé à sa vieille habitude de suivre les vues d’Ariel Sharon.
Comment le savent-ils ? Parce que Bush et bien d’autres responsables de la Maison Blanche ont clairement indiqué que les États-Unis n’approuveraient pas les dispositions de la feuille de route qui lui donneraient précisément une chance de réussir là où des initiatives antérieures – le plan Mitchell, les propositions de Tenet, la mission de Zini – avaient finalement échoué.
Ce qui distingue des autres cette nouvelle tentative est sa volonté d’empêcher Israéliens et Palestiniens de se livrer à leur petit jeu habituel : qui doit commencer ? La feuille de route prescrit que les Palestiniens doivent immédiatement faire 100 % d’efforts pour mettre fin au terrorisme (en reconnaissant qu’il faudra du temps pour obtenir 100 % de résultats) et que cette première étape, inconditionnelle, est indépendante des mesures imposées à Israël. Mais, parallèlement, la même feuille de route impose à Israël de cesser, inconditionnellement, toute activité de colonisation, sans lier cet arrêt aux mesures exigées des Palestiniens. Cet accent mis sur la simultanéité vise à éviter que chaque partie ne paralyse le processus en arguant, pour échapper à ses obligations, que l’autre n’a pas rempli les siennes.
En affirmant qu’Israël n’était pas obligé d’arrêter la colonisation ou de renoncer aux mesures draconiennes qu’il prend dans les Territoires occupés « jusqu’à la fin de toute menace terroriste et une amélioration de la sécurité », quelque « progrès » étant réalisé d’autre part « sur la voie de la paix », George W. Bush a ruiné la disposition centrale de la feuille de route, celle qui pose qu’un arrêt inconditionnel et simultané de la violence palestinienne et de la colonisation israélienne est la condition nécessaire et essentielle de tout « progrès sur la voie de la paix ».
Les mesures requises d’Israël et des Palestiniens ne peuvent, de toute évidence, être mises en oeuvre immédiatement et simultanément. Dès lors, si le mécanisme de surveillance prévu par la feuille de route constate que l’une des parties se trouve en défaut de manière significative, le processus connaîtra une pause. Mais l’originalité fondamentale de la feuille de route est d’édicter que chaque partie doit remplir ses obligations inconditionnellement, sans attendre de voir si l’autre fait de même. Et c’est ce critère décisif de simultanéité que les formulations de Bush ont compromis avant même que la feuille de route soit officiellement publiée.
Particulièrement trompeuses – voire d’un cynisme choquant – sont les récentes assurances, par de hauts responsables de la Maison Blanche, que le président Bush entend approuver la feuille de route sans permettre aux parties d’apporter de nouvelles modifications au document. Il apparaît que ces assurances ne visent pas à empêcher Sharon (l’Autorité palestinienne a déjà accepté le texte sans changement) de s’écarter des dispositions de la feuille de route quand il s’agira de l’appliquer.
Au cas où l’on en douterait, la Maison Blanche a clairement indiqué que la feuille de route ne sera pas « imposée » aux parties. Il n’y a là rien d’autre qu’une garantie donnée à Sharon – et aux trois des cinq partis de son gouvernement dont les dirigeants ont publiquement prôné ce qu’ils appellent le « transfert » des Palestiniens hors des Territoires – qu’il pourra continuer d’exploiter le thème du « terrorisme » palestinien de manière à repousser encore tout début de processus politique.
Il y a seulement trois ans, avant l’arrivée de Sharon au pouvoir, personne n’aurait cru que les organisations juives américaines verraient une initiative de paix demandant notamment le gel de la colonisation comme une marque d’hostilité à l’État d’Israël. Et il est difficile d’imaginer que Bush puisse voir dans la poursuite des affrontements sanglants israélo-palestiniens – inévitable résultat de son abandon de la feuille de route – un moyen de renforcer la sécurité d’Israël.
En vérité, si cette apparente indifférence de Bush à l’effusion de sang a pu passer pour un soutien à Israël – et non à la politique de Sharon -, c’est par l’effet du lobbying des fondamentalistes chrétiens et d’un establishment juif américain, ralliés tous deux à un extrémisme de droite : ce même extrémisme que la plupart desdites organisations dénonçaient naguère encore vigoureusement.
Il est terrifiant de découvrir que la politique de Sharon, adoptée désormais par ces organisations, est beaucoup plus proche des vues de ses partenaires de coalition – avocats du nettoyage ethnique – que de celles de tous les anciens dirigeants d’Israël.

© The New York Times et J.A.I. 2003. Tous droits réservés.

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