Présidentielle au Cameroun : polémique autour des faux observateurs électoraux de Transparency International

Au lendemain de la présidentielle, une polémique a éclaté au Cameroun sur la présence dans le pays d’observateurs attribués à Transparency International. Interpellés par l’affaire, certains acteurs politiques réclament « l’ouverture d’une enquête publique ».

Au Cameroun, les indépendantistes font peser une menace sur la présidentielle du 7 octobre 2018. © Akintunde Akinleye/REUTERS

Au Cameroun, les indépendantistes font peser une menace sur la présidentielle du 7 octobre 2018. © Akintunde Akinleye/REUTERS

ROMAIN-GRAS_2024 Franck Foute © Franck Foute

Publié le 10 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Le président de la branche camerounaise de l’ONG Transparency International est formel : « Nous n’avons pas déployé d’observateurs au Cameroun dans le cadre de la présidentielle ». Le démenti ferme de l’avocat Charles Nguini intervient après 72 heures de polémique dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Au cœur de l’affaire : la présence au Cameroun de sept étrangers présentés à la télévision nationale comme des observateurs de cette ONG.

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https://www.youtube.com/watch?time_continue=163&v=_22K-18cwps

L’affaire remonte au lundi 8 octobre, au lendemain de l’élection présidentielle camerounaise. Au journal de la CRTV, sept observateurs attribués par la télévision nationale à l’ONG Transparency International prennent la parole pour se prononcer sur le déroulement du scrutin. « Nous avons noté de grandes avancées, (…) une grande sérénité et en même temps une grande émancipation démocratique », affirme alors l’un d’entre eux, Raphaël Kalfon. « J’ai été très agréablement surpris, les désaccords étaient exprimés librement et c’est un bon signe, c’est une énorme valeur ajoutée », renchérit également une dénommée Amanda Benzikri.

Démenti de Transparency

Des propos laudateurs vis-à-vis du gouvernement et d’Elecam – l’organe chargé d’organiser les élections -, dont l’approche a été jugée par un des observateurs comme « très pédagogique », qui en ont surpris plus d’un. Ces déclarations interviennent en effet au moment où plusieurs opposants dénoncent des « irrégularités » observées lors de la tenue du scrutin.

Je ne comprenais pas moi-même ce qu’il se passait

Cabral Libii, le challenger de l’Union nationale pour l’intégration vers la solidarité (Univers), a notamment évoqué des intimidations et un bourrage des urnes, tout comme le clan de Maurice Kamto, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), qui a par ailleurs annoncé sa victoire avant la publication des résultats officiels. Joshua Osih, quant à lui, n’a pas manqué de souligner le changement des bureaux de vote de certains électeurs, notamment celui du Premier ministre Philémon Yang. Ces opposants ont d’ailleurs pour la plupart annoncé des recours postélectoraux auprès du Conseil constitutionnel.

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« J’ai reçu des coups de fil de partout, des responsables dans les chancelleries, des amis… Moi-même je ne comprenais pas ce qu’il se passait », explique à Jeune Afrique le président de Transparency. Il ajoute avoir immédiatement saisi le secrétariat international de l’ONG à Berlin. Quelques heures plus tard, un premier démenti était publié sur le site internet de l’ONG, de quoi faire réagir la presse camerounaise le 10 octobre. « Honteuse manipulation », titrait ce jour-là le quotidien Mutations ; « L’affaire Transparency », choisissait pour sa part le quotidien Le Messager.

Je ne peux pas vous dire qui ils sont

Maurice Kamto demande l’ouverture d’une enquête

Qui étaient donc ces observateurs ? Ici aussi, la réponse de Me Charles Nguini est claire. « Je ne peux pas vous dire qui ils sont. (…) Nous avions mis sur pied une plateforme de dénonciation de la fraude électorale, dénommée Corruption No Sissia. Dans ce cadre, nous avons déployé une cinquantaine de volontaires dans trois régions pilotes. À côté de cela, nous avons formé d’autres organisations qui, elles, se sont chargées de former ces individus. Ces derniers sont donc venus derrière une autre organisation camerounaise, l’Agence Cameroun Presse ». Les personnes visibles sur la vidéo ne dépendaient donc pas de Transparency International, mais plutôt de l’Agence Cameroun Presse.

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« Les observateurs sont tous des personnes volontaires, bénévoles et honnêtes », défend Eli Dayan, chef éditeur de cette organisation, qui cite les exemples de Nurit Greenger, journaliste freelance pour les médias israéliens Jerusalem Post et The Times of Israel, et Yamina Thabet, médecin et présidente de l’Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM).

Sur son site internet, l’Agence Cameroun Presse indique avoir été créée en juillet 2018, soit trois mois à peine avant la présidentielle camerounaise.

Au sein de l’opinion publique, la thèse d’un complot ourdit par le gouvernement pour rendre les élections crédibles a rapidement fait surface. Les observateurs cités, qui ont pour leur part quitté le Cameroun, ont expliqué dans une vidéo qu’il s’agissait d’une « mauvaise interprétation », et qu’ils « n’ont jamais prétendu être de Transparency International ».

Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, dont le porte-parole a donné une conférence de presse mercredi 10 octobre à Yaoundé, s’est pour sa part saisi de la polémique et a demandé « l’ouverture d’une enquête publique sur ces faux agents de Transparency ».

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