Quand la météo ne se trompe pas…

Publié le 28 avril 2008 Lecture : 3 minutes.

Rarement, ces dernières années, un film africain du sud du Sahara a été plébiscité à ce point par les spectateurs qui ont pu le voir. Déjà récompensé dans onze festivals tout autour de la planète, et pour la dernière fois à la mi-avril à Montréal (grand prix au festival Vues d’Afrique), Il va pleuvoir sur Conakry du Guinéen Cheick Fantamady Camara reçoit d’ailleurs régulièrement le prix du public dans toutes les manifestations il est présenté. Cela avait déjà été le cas en mars 2007 au Fespaco de Ouagadougou. Lors de sa projection à la cinémathèque française, dans le cadre d’Africamania, l’hommage aux cinquante ans du cinéma africain du 17 janvier au 17 mars (voir J.A. n° 2453), il a battu tous les records de fréquentation dans la plus grande salle du bâtiment de la porte de Bercy, à Paris.
Et pour cause ! L’intrigue du long-métrage est de nature à toucher tous les publics. Bangali, Bibi pour les intimes, jeune journaliste-caricaturiste dans un journal de la capitale guinéenne, aime bien flirter, comme le veut sa fonction, avec les limites de la liberté de la presse, vite atteintes dans son pays. L’actualité lui en fournit d’ailleurs l’occasion. Pour mettre fin à la terrible sécheresse que connaît la région, son père, un chef religieux, est chargé par le ministre des Cultes d’organiser une procession pour provoquer des précipitations grâce à ses prières. Lesquelles se produisent le jour même, miraculeusement. Du moins le croit-on, jusqu’à ce que Bangali découvre que le ministre avait « joué » à coup sûr : la météo avait prévu la date de l’arrivée de la pluieÂÂ
Dénonçant cette supercherie à la une de son journal, contre l’avis et à l’insu de son propriétaire-directeur, Bangali se brouille à la fois avec son géniteur, qui ne supporte pas l’idée qu’il ait pu être manipulé par le pouvoir, et son patron, qui ne voulait pas prendre le risque de déplaire aux puissants. L’affaire se complique d’autant plus que Bibi est amoureux de Kesso, la superbe fille dudit patron, qui, apprend-il alors, est enceinte de lui. Sans compter que son père, voyant sa fin approcher, entend faire de lui son successeur comme imam. Ainsi en ont décidé les ancêtres qui lui ont parlé au cours d’un songe. Tout cela conduira à un drame épouvantable – que nous ne révélerons pas ici – juste avant que le film ne s’achève malgré tout sur un happy end.
Ce long-métrage dénonce donc toutes les hypocrisies : politiques, religieuses, familiales, personnelles. Et prêche ouvertement la tolérance et toutes les libertés, à commencer par celle de décider du cours de sa vie. Ce qui ne suffirait pas à le rendre si populaire s’il ne le faisait le plus souvent sur le ton de la comédie et sans jamais se prendre trop au sérieux. Il évite en particulier le piège de l’éternelle opposition entre tradition et modernité, qui a envahi jusqu’à la nausée un certain cinéma africain pendant des années. Au contraire, Cheick Fantamady Camara prône le dépassement de ce conflit plutôt que son exacerbation. Malgré un scénario qui pourrait parfois être celui d’un sitcom, Il va pleuvoir sur Conakry réussit, par sa légèreté et son ton finalement optimiste, à faire pardonner ses penchants à la naïveté.

Exercice fort réussi
S’il ne s’agit pas là de grand cinéma, l’exercice est fort réussi, surtout pour un premier film à petit budget – moins de 500 000 euros au total, soit 10 % du budget moyen d’un long-métrage européen. Les spectateurs africains pourront bientôt s’en rendre compte dans six pays, à commencer par le Sénégal, où une sortie est prévue malgré la faiblesse du parc de salles. En Guinée même, le réalisateur explique que la disparition totale des écrans rend toute projection « classique » impossible. Il se bat donc actuellement pour trouver du matériel qui lui permettra d’organiser des représentations. En France, malgré le label « public » d’Il va pleuvoir sur Conakry, il a fallu plus d’un an pour trouver un distributeur et des exploitants prêts à prendre le « risque » de diffuser un tel film. Mais il sera enfin sur quelques dizaines d’écrans dans l’Hexagone fin avril.

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Il va pleuvoir sur Conakry, de Cheick Fantamady Camara (sortie à Paris le 30 avril)

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