Nomades sur scène à Nouakchott
La quatrième édition du Festival des musiques nomades s’est tenue mi-avril. Un événement culturel terni par le contexte politique.
Silhouette sexy moulée dans une robe bleue, une danseuse se déhanche sur un mélange de flamenco, de hip-hop et d’électro. La foule en boubou se balance en rythme dans le vent de sable. C’est le deuxième jour du Festival des musiques nomades, organisé par le Centre culturel français de Nouakchott et dirigé par la Mauritanienne Khadi Mint Cheikhna. Ce soir-là, c’est au tour du groupe barcelonais Ojos de Brujo d’occuper la scène du stade du Ksar. La veille, le 7 avril, la star mauritanienne Ousmane Gangué, puis les rythmiques métissées de l’Orchestre national de Barbès ont donné le coup d’envoi. Cinq jours durant se succéderont chanteurs et groupes mauritaniens, iraniens, palestiniens ou sénégalais. Le concert de clôture, le 11 avril, sera réservé à l’idole guinéenne Sekouba Bambino.
Faire monter sur scène le patrimoine musical mauritanien, habituellement cantonné aux mariages et aux cérémonies officielles, en le mêlant à d’autres traditions musicales : tel est l’objectif du festival, dont la première édition a eu lieu en 2004. Parallèlement aux concerts nocturnes, chaque jour, des artistes mauritaniens en voie de professionnalisation font entendre aux habitants des quartiers – qui n’ont pas toujours le loisir de se déplacer, la nuit, jusqu’au centre de la ville – la diversité mal connue de la création nationale : m’balax wolof, afro-folk peul, rap hassaniya, chants tradi-modernes maures Et, pendant la journée, opérateurs et programmateurs des pays voisins se rencontrent pour tenter d’amorcer une circulation des artistes mauritaniens dans la sous-région. « L’idée maîtresse, c’est le nomadisme, résume Benoît Thibergien, directeur artistique. Entre pays, entre musiques, entre artistes. »
Cette année, contrairement aux précédentes, le reproche selon lequel le festival est « celui des Français » s’est moins fait entendre. Une quarantaine de techniciens mauritaniens, formés durant les éditions précédentes, ont piloté la régie. Le matériel n’a pas été importé, comme auparavant, mais loué à des privés du pays qui en ont récemment fait l’acquisition. Quant aux artistes locaux, ils ont eu voix au chapitre sur la scène du Ksar. Le budget, en revanche, est essentiellement européen : sur un total de 340 000 euros, 100 000 euros proviennent de la France et autant de l’Union européenne. Le reste est notamment réparti entre la Communauté urbaine de Nouakchott, le ministère mauritanien de la Culture et des partenaires privés locaux.
Fâcheuse coïncidence
Pour autant, il n’est pas dit que Musiques nomades, la seule manifestation artistique de dimension internationale qu’accueille la Mauritanie, ait totalement rempli l’une de ses missions : redorer le blason d’un pays étroitement associé au terrorisme islamiste depuis l’assassinat, le 24 décembre dernier, de quatre touristes français. Fâcheuse coïncidence, une fusillade entre djihadistes et forces de sécurité – dont le bilan a été de deux morts – a éclaté dans la capitale moins de trois heures avant le début de la soirée d’ouverture. Censé donner le coup d’envoi, le Premier ministre Zeine Ould Zeidane a finalement annulé sa venue. Ce soir-là, le terrain du stade était clairsemé. Tout culturel qu’il soit, le festival est aussi politique. Son histoire le prouve : initialement prévu en 2003, il a été finalement annulé par solidarité avec l’Irak, qui venait d’être envahi ; en 2007, il n’a pas eu lieu pour cause d’élections.
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