En Guinée, Intercel ne répond plus
L’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) a intimé mardi à l’Intecel l’ordre d’arrêter ses activités. En cause, l’endettement colossal de l’opérateur, présent en Guinée depuis 2006, et le non-respect de son cahier des charges.
Mardi 9 octobre, un communiqué de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) a ordonné à l’opérateur Intercel de mettre fin à ses activités sur l’étendue du territoire guinéen. Le régulateur assure avoir attiré depuis des années « l’attention des dirigeants successifs de la société Intercel Guinée sur leur situation préoccupante. Depuis l’obtention de sa licence pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de téléphonie mobile GSM en Guinée, le 12 mai 2006, Intercel Guinée connait des difficultés récurrentes de tous ordres ».
Au premier rang de ces difficultés, l’« endettement persistant » de l’entreprise envers l’État, les opérateurs de téléphonie et d’autres prestataires de service,s que le directeur général de l’ARPT, Antigou Chérif, interrogé par Jeune Afrique, évalue à « plusieurs millions de dollars ».
Il est également reproché à Intercel (le seul opérateur du pays à ne pas avoir la licence 3G, déplore l’ARPT) de ne pas honorer ses obligations (« techniques, administratives et financières ») contenues dans son cahier des charges, dont celles relatives à l’extension de son réseau 2 G, et la « réduction drastique » de l’étendue de la couverture du réseau, limitée à la capitale Conakry et à une partie de la préfecture de Kindia, située à 135 km à l’est. Soit 55 localités (sous-préfectures et préfectures) sur un total de 338. « Il n’y a pratiquement pas de réseau à l’intérieur du pays », confirme un employé de la société, qui a requis l’anonymat.
Des résultats négatifs depuis six ans
« Intercel ne rapporte plus rien », ajoute notre source. Le part de marché d’Intercel représente en effet 0,3 % des 11,9 millions d’abonnés que compte le pays, et 0,1 % des revenus générés par le secteur, selon les statistiques de l’ARPT. « Cela ne peut pas supporter les différentes charges de l’entreprise, constate le directeur général de l’ARPT. Les résultats sont négatifs depuis plus de six ans. Normalement, les responsables auraient dû déclarer la faillite de l’entreprise. »
Il est reproché également à la société des fraudes vis-à-vis de l’État (sa licence a expiré depuis mai 2016) et des autres opérateurs de téléphonie, dont elle est accusée de détourner des appels internationaux. Ce qui a poussé Orange, leader de la téléphonie en Guinée (les autres opérateurs étant le sud-africain MTN et Cellcom), à bloquer momentanément les appels entrant en provenance d’Intercel.
« L’Autorité de régulation a plusieurs fois été saisie sur le dossier Intercel : par les autres opérateurs pour le paiement de leurs frais d’interconnexion, par des prestataires de services et par des salariés pour des retards de salaires et des cotisations sociales », confirme Antigou Chérif.
Liquidation inévitable ?
L’extension du réseau Intercel était attendue pour fin 2014-début 2015. Le projet devait se faire en partenariat avec le chinois ZTE, par ailleurs frappé par des sanctions américaines dans la crise avec l’Iran. Mais le lot d’équipements évalués à plus de 15 milliards de francs guinéens (plus d’1,4 million d’euros) livré par l’équipementier a longtemps « traîné au Port de Conakry, faute du paiement des frais de douane », avant d’être volé, « sans qu’aucune enquête sérieuse ne soit diligentée », nous confie notre source.
Intercel a un mois, à compter du 9 octobre, date de la publication du communiqué d’interdiction des autorités guinéennes, pour dédommager clients et travailleurs et cesser toute activité en Guinée. À moins que la procédure judiciaire qui devrait faire suite à la décision ne se conclue sur le redressement de la société. Le directeur général de l’ARPT, Antigou Chérif, se dit pessimiste, eu égard aux multiples alertes restées lettre morte depuis cinq ans. « À mon avis, à l’analyse des états financiers de la société, la liquidation est inévitable », croit-il.
Des griefs auxquels n’ont pas encore réagi les responsables d’Intercel qui étaient en réunion mercredi sur le sujet, a-t-on confié à Jeune Afrique. Pour rappel, Intercel est né des cendres de Telecel, premier opérateur de téléphonie privé à s’installer en Guinée. Présent au Sénégal et en Mauritanie, notamment, sous la marque Expresso, l’opérateur avait été racheté par Teyliom de Yérim Sow, avant d’être vendu au soudanais Sudatel.
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