La percée de Carter
Décrié par Washington, ignoré par Tel-Aviv, l’ancien président américain n’est pourtant pas revenu bredouille de sa rencontre avec le chef du Hamas, à Damas.
À en croire Condoleezza Rice, on s’achemine vers un règlement du conflit israélo-arabe. Et la tournée de Jimmy Carter au Moyen-Orient (du 13 au 21 avril) n’a fait que semer la confusion. Les entretiens à Damas de l’ancien président américain avec Khaled Mechaal, le chef du Hamas, seraient particulièrement préjudiciables. Pas question d’associer l’organisation palestinienne aux négociations de paix. La secrétaire d’État n’est pas la seule à être dérangée par les initiatives de Carter. Les candidats démocrates à la Maison Blanche se sentent obligés d’entonner leur couplet de soutien indéfectible à Israël. Hillary Clinton est même décidée à « attaquer l’Iran » et, prenant exemple sur Ahmadinejad, n’hésite pas à déclarer qu’elle l’« effacerait de la carte » ! Requis de livrer son opinion sur le voyage de Carter, Barack Obama élude et préfère retourner à son petit déjeunerÂ
Qu’a obtenu du Hamas le prix Nobel de la paix ? Un signe de vie de Gilad Shalit sous forme d’une lettre adressée à sa famille. Ce n’est pas rien. Comme l’écrit un quotidien de Jérusalem, « aucun dirigeant n’avait réussi jusqu’à présent à obtenir un tel résultat ». Mais c’est sans doute le Financial Times (du 22 avril) qui donne l’appréciation la plus juste du périple de l’ex-président américain. Évoquant le traité de paix signé en 1979 avec l’Égypte, il rappelle que Carter a « fait probablement plus pour garantir l’avenir d’Israël que tout homme vivant ». Il a eu raison de prendre langue avec les dirigeants du Hamas, « l’ennemi le plus résolu et le plus dangereux ». Ignoré par les Israéliens, décrié par les Américains, Carter n’en a eu que plus de mérite d’obtenir de l’organisation islamiste qu’elle adhère au principe d’un État palestinien installé dans les frontières de 1967 et vivant en paix aux côtés de l’État hébreu. Le gouvernement d’Ehoud Olmert n’a cure de ces évolutions. Avec la bénédiction de Washington et la compréhension de la communauté internationale, il a entrepris d’étrangler le Hamas. Mais comment pourrait-il y parvenir, maintenant que l’organisation islamiste a pris le pouvoir à Gaza en chassant « les seigneurs de guerre du Fatah armés par les Américains et encouragés par les Israéliens » ? L’approche de Jimmy Carter, partagée par les deux tiers des Israéliens, poursuit le Financial Times, est qu’on ne peut faire la guerre à la moitié des Palestiniens et la paix avec l’autre moitié. Autrement dit, le Hamas doit être partie prenante à toute solution du conflit. Avec une lucidité peu commune aujourd’hui, le quotidien britannique conclut : « Certes, les islamistes doivent reconnaître l’existence d’Israël, mais comme conséquence d’un accord sur les deux États. Exiger du Hamas qu’il reconnaisse Israël, un État en constante expansion territoriale, est à la fois irréaliste et injustifié. »
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