Inondations en Tunisie : la ville de Nabeul attend toujours l’aide de l’État

Dans la ville de Nabeul, frappée les 22 et 23 septembre derniers par des inondations et des coulées de boue meurtrières, l’aide aux sinistrés se structure. Face à l’intervention de l’État qui se fait attendre, la maire de Nabeul exprime à Jeune Afrique son impatience.

Dégâts suite aux inondations survenues les 22 et 23 septembre, dans le gouvernorat de Nabeul, au nord-est de la Tunisie. © Karim Beji/AP/SIPA

Dégâts suite aux inondations survenues les 22 et 23 septembre, dans le gouvernorat de Nabeul, au nord-est de la Tunisie. © Karim Beji/AP/SIPA

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Publié le 16 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

« Tous les foyers touchés par les inondations seront indemnisés », avait annoncé Youssef Chahed, le chef du gouvernement, au lendemain des inondations qui ont fait six victimes à Nabeul, les 22 et 23 septembre derniers. Trois semaines plus tard, pourtant, l’argent pour la population n’a toujours pas été débloqué.

Le 26 septembre, un projet d’intervention dans les quartiers populaires ayant subi le plus de dégâts avait également été annoncé, à l’occasion d’un conseil ministériel tenu à Nabeul, afin de restaurer les 2 500 maisons touchées.

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Une aide étatique indispensable : la catastrophe de Nabeul a levé le voile sur une défaillance au niveau des assurances en Tunisie. Kamel Chibani, directeur exécutif de la Fédération tunisienne des sociétés d’assurance (Ftusa), avait ainsi déclaré à la presse qu’un nombre très réduit de maisons étaient assurées dans cette ville. En l’absence de ce régime de dédommagement, la population espère une indemnisation de la part du gouvernement.

Houda Skandaji, la première femme élue démocratiquement maire de Nabeul, a dû faire ses preuves lors de cet épisode. Si de nombreuses actions de nettoyage et de reconstruction des routes ont été menées depuis, l’ampleur de la catastrophe dépasse les prérogatives de la mairie et nécessite une intervention nationale. Laquelle tarde à arriver.

Jeune Afrique : En prévision de ces perturbations météorologiques, un dispositif spécial avait-il été mis en place pour s’y préparer ?

Houda Skandaji : Une cellule de crise, présidée par le délégué de la région, avait été créée deux semaines avant les inondations. L’ensemble des communes du gouvernorat y avait été intégré. Malheureusement, nous n’avions pas anticipé l’ampleur de la catastrophe, et le dispositif prévu n’était pas adapté.

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Nous avons quand même réagi très rapidement. Dès les premières heures de fortes pluies, nous nous sommes réunis avec les intervenants et les directions régionales, ainsi que les agents de la Santé, la Protection civile ou encore l’Office nationale de l’assainissement (ONAS), afin de nous coordonner. Le soir, nous avons commencé à diagnostiquer les dégâts et à dégager les voies pour que les personnes puissent circuler. Depuis, nous réalisons tous les jours des opérations de nettoyage dans l’ensemble de la ville, et nous assurons le déplacement des débris.

Face à l’ampleur de la catastrophe, avez-vous senti un soutien suffisant de la part des autorités nationales ?

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Au lendemain des inondations, les autorités nationales nous ont contactés, sur directive du chef du gouvernement. Le ministre des Affaires locales et de l’environnement, Riadh Mouakher, a également coordonné l’acheminement du matériel sanitaire vers la région du Cap Bon. La réaménagement de trois oueds dégradés pendant les inondations a également été prise en charge par le ministère de l’Équipement. L’appel d’offres est clos, et il n’y a plus qu’à attendre le déblocage de l’argent nécessaire. Mais cela reste insuffisant.

Comme nous n’avions pas de nouvelles du gouvernement, j’ai décidé, jeudi 11 octobre, d’adresser une lettre au ministre et à la gouverneure pour leur demander de l’aide. Ils m’ont appelée ce week-end pour me rassurer, et m’annoncer que l’argent sera débloqué dans les prochains jours. Mais je ne connais pas encore la date ni le montant exact de ce soutien. Malgré les efforts persistants de la mairie et la mobilisation de plus de 70% de notre effectif, l’état de propreté de la ville est loin d’être suffisant. Nous ne pouvons continuer à ce rythme-là, car nous avons d’autres projets à lancer.

Notre estimation préliminaire des pertes en infrastructures s’élève à 100 millions de dinars

Nous attendons un effort exceptionnel de l’État, et cet effort n’a pas encore été fait. L’état actuel de la ville nécessiterait l’intervention d’une brigade sanitaire de l’armée qui, à l’aide de Kärchers mécaniques, se chargerait du nettoyage de Nabeul. Notre estimation préliminaire des pertes en infrastructures s’élève à 100 millions de dinars [environ 30,5 millions d’euros].

Selon mes informations, une réunion se profile, le 16 octobre à l’Assemblée, durant laquelle sera débattu le classement de Nabeul en zone sinistrée. Nous espérons que cela va permettre de débloquer la situation et de passer outre la lenteur administrative. Les contrôleurs de dépenses, chargés d’approuver en amont nos engagements financiers, ralentissent le travail car ils ne comprennent pas qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à nous impatienter : j’ai appris que la population préparait elle aussi une manifestation pour demander une intervention plus rapide de l’État.

La télévision nationale tunisienne a également organisé un « Téléthon », dimanche 30 septembre, collectant des promesses de dons à hauteur de deux millions de dinars. Avez-vous commencé à percevoir cet argent ?

Le Téléthon s’est clôturé le 13 octobre à minuit, mais nous n’avons eu aucune communication de la part des autorités sur les délais de distribution à ce sujet. Il faut dire que le suivi de la situation par les autorités, en général, n’est pas satisfaisant.

Nous puisons dans notre budget. Cela risque de poser problème si la situation ne se débloque pas rapidement

Pour l’instant, nous n’avons reçu aucun financement supplémentaire – seulement du matériel d’assainissement. Nous puisons dans notre propre budget, et cela risque de poser problème si la situation ne se débloque pas rapidement. Les autorités ont annoncé un délai de trois mois pour les interventions lourdes, qui seront financés par des fonds hors budget de la commune.

Le chef du gouvernement a également promis l’indemnisation des sinistrés. Pour l’instant, qu’a-t-il été fait pour eux ?

Cette prérogative relève des autorités nationales, et non de la mairie. Nous avons tout de même créé une commission qui s’est chargé de l’établissement de listes de familles touchées, ainsi que la répartition de l’aide sociale. Nous avons également entrepris des actions de donations. Plusieurs associations locales sont également à l’offensive pour assurer l’aide aux sinistrés. Un collectif composé de six organisations – Croissant-Rouge, Interact, Rotaract, Rotary, Léo Club et Voix de femmes – a été créé pour répondre le plus efficacement possible aux besoins urgents de la population.

Les associations se sont ainsi réparties les quartiers les plus touchés. Chacune a pu ensuite procéder à l’identification des maisons inondées de son secteur, ainsi que des besoins des habitants, afin d’assurer au mieux l’acheminement de l’aide adéquate. Les autorités nationales ont elles aussi investi les espaces de la foire de Nabeul, dans le but d’y regrouper les équipements de première nécessité tels que les matelas, réfrigérateurs, meubles, etc. Mais vingt jours après la catastrophe, l’indemnisation promise n’a toujours pas été débloquée.

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