Hassane Mezine : « L’œuvre de Frantz Fanon n’a rien perdu de son intérêt et de son acuité »

Dans « Fanon hier, aujourd’hui », un documentaire direct, succession d’images d’archives et d’entretiens, le réalisateur algérien Hassane Mezine sonde l’héritage du célèbre intellectuel, de l’Afrique subsaharienne à l’Europe.

Frantz Fanon © DR

Frantz Fanon © DR

CRETOIS Jules

Publié le 17 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Le titre indique l’angle d’attaque du réalisateur : Fanon hier, aujourd’hui. Hassane Mezine, photographe algérien, quadragénaire, se saisit de l’actualité de la pensée de Fanon, en même temps qu’il retrace à grands traits sa biographie. Sa méthode ? Interroger des personnes qui l’ont connu et d’autres qui, aujourd’hui, se saisissent de son héritage.

La vie de l’auteur de Peau noire, masques blancs et des Damnés de la terre a été courte : né à Fort-de-France en 1925, le psychiatre, intellectuel et militant, est décédé en 1961. Elle n’en aura pas moins été intense : il intègre l’Armée française de libération quand la France est occupée par l’Allemagne, lutte contre le racisme, prend la direction d’un hôpital psychiatrique, puis s’engage aux côtés du Front de libération nationale (FLN) algérien

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Aller au delà de la « lecture de jeunesse »

On croise donc, dans un dispositif simple, dépouillé, face caméra, des personnes qui ont connu le médecin et révolutionnaire. Parmi elles, Abdelhamid Mehri, ancien ministre du gouvernement algérien provisoire en exil à Tunis. « C’est avec lui que tout a commencé », explique le réalisateur.

En 2012, un ami lui transmet la vidéo d’une interview filmée avec Mehri, décédé cette même année. L’ancien ministre y parle de Fanon. C’est là que Mezine décide de se lancer dans un film documentaire sur celui qui est alors pour lui « une lecture de jeunesse importante et une personne qui permet toujours de comprendre la situation politique du Sud global, la négrophobie au Maghreb, le racisme en Occident, les rapports entre le Nord et le Sud… »

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Pour son film, financé grâce à une campagne de crowdfunding, Mezine a beaucoup voyagé, à l’image de Fanon à l’époque. Ce dernier s’était par exemple rendu au Mali durant la guerre d’indépendance algérienne, dans le but d’importer des armes et des munitions depuis la frontière, mais aussi de raffermir la lutte des populations sahariennes. Mezine revient sur cet épisode grâce au témoignage d’Ousmane Dan Galadima, aujourd’hui un homme âgé, militant au Niger et qui a accompagné Fanon dans son aventure.

Fanon, critique radical des bourgeoisies africaines

Le réalisateur donne la parole à des connaissances de Fanon, comme Marie-Jeanne Manuellan, son assistante au Centre neuro-psychiatrique de jour de l’hôpital de Tunis, qui a récemment publié Sous la dictée de Fanon, ou Raphaël Confiant, écrivain martiniquais qui a écrit L’insurrection de l’âme : Frantz Fanon, vie et mort du guerrier-silex (2017).

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Mais il en interroge également d’autres qui le connaissent surtout par ses écrits. Ainsi, Samah Jabr, psychiatre palestinienne et grande lectrice de ses œuvres, ou bien Maboula Soumahoro, militante et universitaire franco-ivoirienne. On suit alors les différentes interprétations que chacun peut avoir de la production de Fanon en fonction de son contexte.

Le film sonne comme un appel à ne pas oblitérer la charge subversive de l’œuvre de Fanon

Le film sonne comme un appel à ne pas oblitérer la charge subversive de l’œuvre du Martiniquais. Salima Ghezali, écrivaine et journaliste algérienne née en 1958, installée dans son canapé, sourit à la caméra, rigolant de ceux qui célèbrent de la même manière Albert Camus et « l’explosif Fanon » : « un sacrilège sur le plan des idées ! », s’exclame-t-elle. Et d’appuyer son propos : Fanon a été un critique radical des bourgeoisies africaines.

Le film de Mezine, déjà présenté au cours du mois de septembre dans des salles françaises, algériennes et belges, en attendant de trouver un distributeur, appuie une tendance : la redécouverte de l’œuvre fanonienne, quelque peu oublié pendant un temps. « Si elle attire, c’est qu’elle n’a rien perdu de son intérêt et de son acuité »,  insiste Mezine, qui présentera son film le 19 octobre en Martinique, sur les terres de Fanon.

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