La Chine en eaux troubles
3 millions de balles de calibre 7,62 mm pour fusils d’assaut AK47, 1 500 lance-roquettes RPG, 3 000 obus de mortier, de nombreuses pièces d’artillerie L’inventaire de la cargaison du An Yue Jiang, qui, selon Patrick Chinamasa, le ministre zimbabwéen de la Justice, était destinée « à la défense nationale » et n’était pas susceptible d’être « utilisée contre des civils », a été publié plus rapidement que les résultats des élections législatives et présidentielle du 29 mars ! On sait que l’attente de ces derniers tétanise le Zimbabwe et la sous-région tout entièreÂ. Et que le 13e sommet du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), qui devait se tenir du 5 au 15 mai à Harare, a notamment été reporté sine dieÂ.
L’odyssée du navire chinois à la recherche, depuis le 14 avril, d’un port pour décharger les armes et les munitions commandées « il y a plus d’un an » par Harare a au moins donné l’occasion à la Communauté des États de l’Afrique australe (SADC) de rompre avec l’habituelle langue de bois. Emboîtant le pas aux syndicats et aux associations de défense des droits de l’homme, le président en exercice de la Communauté, le Zambien Levy Mwanawasa, a carrément interdit l’accès du An Yue Jiang à tous les ports de la région. Selon lui, la Chine pourrait « jouer dans la crise au Zimbabwe un rôle plus utile que de livrer des armes aux autorités ».
Pressé de toutes parts, Pékin a d’abord défendu, par la voix de Yu Jiang, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, la légalité de cet « échange normal de matériels militaires entre deux pays ». Reste que, déjà accusées de fermer les yeux sur la mauvaise gouvernance et l’autoritarisme de certains pays, les autorités chinoises pouvaient difficilement se permettre d’être soupçonnées de menées déstabilisatrices au Zimbabwe, comme au Tchad ou au Soudan. Tout en maintenant que « ce sont les Africains eux-mêmes qui jugeront leur rôle en Afrique », elles ont donc donné l’ordre au An Yue Jiang de faire demi-tour et de mettre le cap sur Pékin.
Pendant ce temps-là, à Harare, la Commission électorale (ZEC) répartissait entre la Zanu-PF (au pouvoir) et le MDC (opposition) les 23 (sur 210) circonscriptions où les résultats des élections étaient contestés. Mais les deux formations ont catégoriquement refusé de constituer un gouvernement d’union nationale. Retour à la case départ.
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