Hillary dans le rouge
En dépit de sa victoire en Pennsylvanie, l’ex-First Lady est loin d’avoir comblé son retard sur Barack Obama. Plus grave encore, elle manque dramatiquement d’argent.
« Votre soutien représente la différence entre la victoire et la défaite. L’avenir de la campagne est entre vos mains », a lancé Hillary Clinton, dans la soirée du 22 avril, à l’adresse des sponsors potentiels de sa campagne – lesquels, dans les heures qui ont suivi, lui ont généreusement versé 2,5 millions de dollars. Manifestement, en dépit de son succès attendu dans l’élection primaire de Pennsylvanie (54 % des suffrages, contre 46 % à Barack Obama), qui lui permet de rester dans la course à la Maison Blanche, la sénatrice de New York n’est pas très rassurée. On la comprend : elle est sur la corde raide. Pour au moins deux raisons.
Il ne fait désormais plus aucun doute qu’elle ne parviendra pas à rattraper son retard sur son rival, assuré du soutien de quelque 1 480 délégués à la Convention nationale, qui, fin août, désignera le candidat démocrate à la présidentielle, quand elle-même n’en compte qu’un peu plus de 1 330. Seuls neuf États, tous de taille relativement modeste, sont encore appelés à voter (voir encadré). Ni Clinton ni Obama n’étant plus en mesure d’atteindre la majorité absolue des suffrages des 2 025 délégués, ce sont les quelque 800 « superdélégués » – élus et responsables locaux du parti – qui feront la décision. Ils ne sont tenus par aucune consigne de vote et peuvent changer d’avis à leur guise. À ce jour, près de 500 d’entre eux ont publiquement fait connaître leur choix. Clinton dispose d’une avance d’une vingtaine de voix, mais l’écart se réduit. Au total, Obama l’a emporté dans 28 États, contre 16 à sa rivale, et recueilli environ 700 000 suffrages de plus qu’elle. Mais il a été devancé dans tous les grands États : Californie, New York, Pennsylvanie, New Jersey, Texas, etc.
Par ailleurs, l’ex-First Lady était, au début du mois d’avril, au bord de l’asphyxie financière. Son compte de campagne n’était créditeur que de 8,6 millions de dollars (5,4 millions d’euros). Contre 42,5 millions pour Obama. Il faut dire que, selon des estimations non partisanes, elle a dépensé en moyenne 1 million de dollars par jour au cours des dernières semaines.
Quitte ou double
Entre sa double victoire du 4 mars au Texas et dans l’Ohio et la fin de ce même mois, son équipe a collecté 20 millions de dollars. Mais elle en a, dans le même temps, dépensé 21 millions ! Au cours des six semaines qui restent avant la fin des primaires, Clinton devra, pour continuer à faire campagne, réussir à collecter entre 30 et 40 millions de dollars. « Je suis depuis longtemps convaincu que l’argent – ou le manque d’argent – pourrait être le facteur décisif de la course à la nomination chez les démocrates », commente Bill Galston, membre de la Brookings Institution et vieux routier des campagnes présidentielles.
Pour ne rien arranger, Hillary a déjà accumulé environ 10 millions de dollars de dettes. Plus de la moitié de cette somme est due à l’institut de sondage dont Mark Penn, son ex-« stratège » numéro un, est actionnaire. La situation est à ce point préoccupante qu’elle a dû transférer sur son compte de campagne un reliquat de 10 millions de dollars non dépensé pendant sa dernière campagne sénatoriale. Et avancer, en janvier, 5 millions pris sur son patrimoine personnel.
Son principal problème est qu’une très forte proportion de ses donateurs ont atteint le maximum légal imposé pour toute contribution électorale. Ce qui est très loin d’être le cas d’Obama, qui, via Internet, peut indéfiniment continuer à solliciter les petits donateurs, qui constituent l’essentiel de ses soutiens. Quarante pour cent des 235 millions de dollars qu’il a recueillis depuis le début de la campagne sont constitués de dons inférieurs à 200 dollars. Contre 23 % des 189 millions levés par Hillary.
La victoire remportée par cette dernière en Pennsylvanie convaincra-t-elle de nouveaux donateurs de voler à son secours ? C’est du quitte ou double. À la veille du scrutin, Howard Wolfson, son directeur de la communication, indiquait que la candidate était certes en situation très difficile, mais que l’argent continuait d’arriver, en particulier sur le Net. À l’en croire, les derniers bilans ne prenaient pas en compte les bénéfices – 2,5 millions de dollars – d’une soirée de soutien organisée par Elton John, début avril. Le fait qu’Obama n’a pas profité de sa position financière avantageuse pour s’imposer dans l’Ohio et au Texas, le mois dernier, incite, selon Wolfson, à douter de ses chances d’être élu en novembre. De même, estime le « dircom » d’Hillary, « s’il ne gagne pas en Pennsylvanie en dépensant trois fois plus que nous, il est permis de se demander s’il est capable de s’imposer dans les grands États où un démocrate se doit absolument de l’emporter ». Il oublie de préciser que la sociologie électorale de cet État ouvrier et très majoritairement blanc n’était a priori pas favorable au sénateur de l’Illinois, dont les points forts sont les jeunes, les Noirs et les Américains disposant d’un bon niveau d’éducation et de revenus confortables. À preuve, il comptait 20 % de retard dans certains sondages à quelques semaines du scrutin. Nul doute que les sommes englouties entre Philadelphie et Pittsburgh lui ont permis de limiter les dégâts. Et de rester, plus que jamais, le favori pour l’investiture démocrate.
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