Hier, l’esclavage
À l’occasion du 160e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France, de nombreux ouvrages apportent de nouveaux éclairages sur la question.
Un siècle et demi seulement nous sépare de l’événement. Ce n’est en effet que le 26 avril 1848 que la France a définitivement banni l’esclavage. Définitivement, parce que la Convention avait aboli cette pratique honteuse en 1794, avant que Napoléon Bonaparte ne la rétablisse en 1802. Si le débat sur la colonisation échauffe les esprits de l’Hexagone depuis quelques années, c’est parce que ses conséquences sont encore bien visibles, tant sur place, dans les territoires autrefois sous la tutelle de la France, que dans l’ex-métropole elle-même, où les enfants des anciens colonisés sont là pour lui rappeler sa responsabilité historique. Rien de tel pour l’esclavage et la traite négrière, qui semblent pour certains une veille affaire, quand bien même leurs séquelles sont très présentes.
Quoi qu’il en soit, la célébration du 160e anniversaire de l’abolition – qui sera suivie de peu, le 10 mai, par la journée de commémoration instituée en 2001 – n’a pas manqué d’encourager une production éditoriale de circonstance. Pas de grande fresque historique comme celle de Hugh Thomas (La Traite des Noirs. 1440-1870) publiée en 2006 dans la collection « Bouquins » de Robert Laffont ou encore celle, controversée, d’Olivier Pétré-Grenouilleau (Les Traites négrières. Essai d’histoire globale) chez Gallimard en 2005. Pas non plus d’ouvrage didactique, à l’image de l’Atlas des esclavages (Autrement, 2006) de Marcel Dorigny et Bernard Gainot ou de L’Esclavage et les traites négrières (Nathan, 2006) du Nigérien André Salifou. Ces derniers mois ont surtout vu la parution de documents illustrant un aspect spécifique de cette immense question. Tel est le cas de Race et esclavage dans la France de l’Ancien Régime (Perrin) où Pierre H. Boulle étudie entre autres la présence des Noirs en métropole avant 1789. Dans Lumières et Esclavage (André Versaille éditeur), Jean Ehrard procède, lui, à une analyse fouillée des réalités mentales et idéologiques de la France du XVIIIe siècle pour en déduire que l’abolition est bien un produit du grand mouvement philosophique qui a marqué cette période.
Éclairage très différent chez Gallimard, avec le témoignage d’un capitaine de navire britannique, William Snelgrave. Le Journal d’un négrier au XVIIIe siècle, information de première main s’il en est, est la réédition d’un texte publié en 1734. Dans la même veine, Phébus tirera de l’oubli début juin un classique du genre, Confessions d’un négrier. Les aventures du capitaine Poudre-à-Canon, trafiquant en or et esclaves, 1820-1840, de Théodore Canot.
À cela s’ajoute la publication ou la republication en poche de plusieurs titres importants : La Mémoire enchaînée : questions sur l’esclavage (Hachette, « Pluriel ») de Françoise Vergès, L’Esclavage raconté à ma fille (Bibliophane) de Christiane Taubira, Nantes au temps de la traite des Noirs d’Olivier Pétré-Grenouilleau (« Pluriel »).
Condamnation
Tous ces livres mettent surtout en accusation l’Occident. Mais les traites orientales et la servitude dans le monde arabe commencent elles aussi à susciter l’intérêt des éditeurs. Après L’Esclavage en terre d’islam (Fayard) de Malek Chebel (voir J.A. n° 2445) et Le Sujet et le Mamelouk (Mille et Une Nuits) de Mohammed Ennaji, le sujet est traité sous l’angle subsaharien dans Le Génocide voilé (Gallimard, « Continents noirs ») de Tidiane N’Diaye. On retrouve également l’islam dans La Bible, le Coran et l’esclavage (L’Armançon), où Guillaume Hervieux se penche sur le rôle qu’ont joué les religions chrétienne et musulmane dans la pratique puis la condamnation de l’asservissement d’hommes par d’autres hommes. Parmi cette floraison de publications, le seul ouvrage à caractère général est signé par l’intarissable Pétré-Grenouilleau, qui, dans L’Histoire de l’esclavage racontée en famille (Plon), présente les différents systèmes esclavagistes du passé et analyse leur histoire au sein des (nombreuses) civilisations qui les ont développés.
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