Mali : suspense et morosité

Alain Faujas est journaliste.

Alain Faujas. DR

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Publié le 15 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

L’enthousiasme qui avait saisi les acteurs économiques maliens après le sommet de Bruxelles, en mai 2013, au cours duquel une aide internationale de 4 milliards de dollars (3,25 milliards d’euros) avait été promise, est retombé comme un soufflé. Bien des chantiers sont à l’arrêt.

Les salaires des fonctionnaires semblent ne pas être versés en temps et en heure. L’inquiétude est de retour. Et pour cause : après que le gouvernement a signé des contrats militaires opaques, les institutions de Bretton Woods ont suspendu leur aide budgétaire au mois de juin.

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Mais c’est le Fonds monétaire international (FMI) qui, en colère, avait cessé de livrer la sienne le premier, ce qui a automatiquement interrompu les versements de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD), de l’Union européenne, etc.

La raison ? L’achat d’un avion présidentiel pour 40 millions de dollars, sur fonds publics, sans que l’on sache précisément à qui et comment ces sommes ont été payées – un imbroglio qui a provoqué la saisie provisoire de l’appareil par les autorités américaines.

Autre affaire ayant suscité le courroux et la méfiance des instances internationales : un énorme contrat d’uniformes et de transports de troupes qui s’élèverait à 150 millions de dollars et pour lequel certains intermédiaires auraient été très généreusement rémunérés.

« Nous ne sommes pas habilités à juger de la qualité de ces achats, réalisés sans appel d’offres mais en toute légalité, sous couvert du secret-défense, explique Sébastien C. Dessus, économiste en chef pour le Mali, le Tchad, la Guinée et le Niger à la Banque mondiale. En revanche, les bailleurs ont le droit de s’exprimer sur la validité des procédures budgétaires utilisées et le devoir de s’assurer que les 4 milliards de dollars en question seront bien gérés. »

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Quand seront débloqués les 200 millions de dollars en suspens, cruciaux pour le fonctionnement de l’État ? « Les bailleurs aident le gouvernement à clarifier ses procédures de dépenses. Ce processus est en bonne voie, et les versements pourraient reprendre avant la fin de l’année. »

Le problème, c’est que ces 200 millions de dollars devaient permettre d’apurer en grande partie la dette intérieure. C’est-à-dire les impayés de l’État à l’égard des entreprises maliennes, qui représentent 167,5 milliards de F CFA (330 millions de dollars) selon Mamadou Tiény Konaté, président de la Chambre de commerce et d’industrie.

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« Les entreprises attendent cet argent, explique-t-il. C’est vital : la conjoncture n’est pas fameuse, le secteur touristique est en berne, les mines d’or tournent au ralenti car le cours du métal précieux est déprimé, et les investissements étrangers ne reviennent pas à la vitesse espérée. Il n’y a que dans l’agriculture que les perspectives sont bonnes. Il faut espérer que le FMI débloque la situation budgétaire et que les négociations d’Alger nous permettent d’amorcer la sécurisation du Nord, ce qui réduira enfin notre risque pays. Je suppose que la reprise sera perceptible à la fin de l’année ou au début de l’an prochain. »

La croissance 2014, elle, devrait atteindre 4 % à 6 %. Mais tout dépendra des récoltes, encore difficiles à estimer, la saison des pluies n’étant pas terminée. Le suspense se poursuit… et la morosité perdure.

« Cette morosité est normale, estime Hélène N’Garnim-Ganga, responsable de la BAD à Bamako. On avait trop misé sur l’aide internationale. Aujourd’hui, c’est le retour à la réalité : ces soutiens sont souvent faits en nature et pas en argent [matériel, formation, etc.] ; il faut aussi faire des appels d’offres pour éviter les abus lors de la construction d’un barrage ou d’une route, ce qui prend du temps. D’autant que nous ne nous contentons pas de construire des infrastructures permettant, comme à Kouliloro, d’irriguer des milliers d’hectares supplémentaires. Nous nous assurons aussi que les paysans profiteront de cette eau, qu’ils parviendront à écouler leurs nouvelles productions en se regroupant et qu’ils en vivront mieux. Certes, il s’agit de projets d’infrastructures, mais ce sont aussi des projets sociaux. La nécessité de réussir une croissance « inclusive » au profit du plus grand nombre exclut d’agir à la va-vite. Il faut rester optimiste. »

Le ciel est tout de même bien sombre. Le président, qui a reçu pour mandat de mener à bien la réconciliation nationale et de combattre la corruption, se hâte lentement sur ces deux dossiers, afin de n’irriter ni son électorat, qui se défie du Nord, ni les caciques, qui ont installé tout un système de prébendes. La résolution de ces problèmes de gouvernance sera déterminante pour que l’optimisme revienne enfin au Mali.

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