Législatives au Gabon : les sept enseignements du premier tour

Premières élections organisées depuis la présidentielle contestée de 2016, les locales et législatives, dont le premier tour s’est tenu le 6 octobre, ont rendu un verdict sans appel, le Parti démocratique gabonais étant déjà assuré de disposer d’une écrasante majorité dans la future Assemblée nationale.

Le hall de l’Assemblée nationale gabonaise, à Libreville, en 2012 (Illustration) © REA / Archives JA

Le hall de l’Assemblée nationale gabonaise, à Libreville, en 2012 (Illustration) © REA / Archives JA

ROMAIN-GRAS_2024

Publié le 16 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

Ce devait être une revanche. Après la défaite de Jean Ping – que ce dernier conteste toujours – face à Ali Bongo Ondimba lors de la présidentielle de 2016, l’opposition gabonaise souhaitait contraindre le pouvoir à une cohabitation. Mais l’appel au boycott de l’ancien candidat à la présidentielle n’a pas été suivi par certains de ses principaux soutiens de 2016.

Résultats, l’opposition s’est présentée aux législatives de manière dispersée et ce malgré un accord entre le Rassemblement héritage et modernité (RHM) et l’Union nationale (UN) pour ne pas présenter de candidatures concurrentes sur certains sièges.

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Marquée par un faible taux de participation – plus de 40% d’abstention le Parti démocratique gabonais (PDG) est d’ores et déjà assuré d’être majoritaire avec 76 sièges garantis dans la future Assemblée à l’issue du vote du 6 octobre. L’opposition, qui dénonce des fraudes, se trouve en ballottage défavorable dans la plupart des circonscriptions où elle a réussi à faire passer un candidat pour le second tour et peut espérer glaner une dizaine de sièges.

Retour sur les principales leçons de ce premier tour.

Nzouba-Ndama battu au premier tour, Les Démocrates limitent les dégâts 

L'ancien président de l'Assemblée nationale gabonaise Guy Nzouba-Ndama, à Paris le 16 juin 2016. © VINCENT FOURNIER/J.A.

L'ancien président de l'Assemblée nationale gabonaise Guy Nzouba-Ndama, à Paris le 16 juin 2016. © VINCENT FOURNIER/J.A.

Le parti Les Démocrates présente le meilleur bilan parmi l’opposition

C’est une des surprises de ce premier tour. L’ancien président de l’Assemblée nationale Guy Nzouba-Ndama, qui s’était rangé derrière Jean Ping en 2016 et qui se présentait sous la bannière de son nouveau parti, Les Démocrates, a été battu dès le premier tour des législatives.

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À 72 ans, cet ancien pilier du régime d’Omar Bongo devenu un des chefs de file de l’opposition s’était lancé un défi de taille : l’emporter face à Jean Massima dans le 2ème arrondissement de la commune de Koulamoutou.

Mais c’est bien l’ex-trésorier-payeur général et ministre du Tourisme sous Omar Bongo qui l’a emporté dès le premier tour avec 51,5% des voix contre 42,2 pour le leader du parti Les Démocrates. La jeune formation d’opposition a par ailleurs remporté trois sièges dès le premier tour. Les Démocrates présente le meilleur bilan parmi les partis d’opposition puisque treize de ses candidats sont au second tour contre neuf pour le Rassemblement héritage et modernité – qui compte un député élu au premier tour – et cinq pour l’Union nationale.

>>> À LIRE – Élections au Gabon : deux ans après, va-t-on tourner la page de la présidentielle ?

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• L’Union nationale grand perdant

Zacharie Myboto, le patron de l'Union nationale (UN), et le candidat Jean Ping lors du meeting de clôture de sa campagne à Libreville, lors de la présidentielle de 2016. © Baudouin Mouanda pour JA

Zacharie Myboto, le patron de l'Union nationale (UN), et le candidat Jean Ping lors du meeting de clôture de sa campagne à Libreville, lors de la présidentielle de 2016. © Baudouin Mouanda pour JA

Seul cinq candidats restent en course à l’UN, la plupart en ballottage défavorable

L’Union nationale (UN) de Zacharie Myboto sera la formation d’opposition la moins représentée lors du second tour qui se tiendra le 27 octobre. Seul cinq candidats restent en course à l’UN, la plupart en ballottage défavorable à l’exception de Minault Maxime Zima Ebeyard, arrivé en tête avec 36% pour le 1er siège du département de l’Okano.

Outre Chantal Myboto, la trésorière du parti dont la candidature avait été invalidée par la Cour constitutionnelle peu avant l’élection, Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, ancien porte-parole de Jean Ping et figure montante de la nouvelle génération politique gabonaise, a également échoué à conquérir un des 143 sièges de la future Assemblée. Il se présentait dans un bastion du pouvoir, au nord de Libreville, dans la commune d’Akanda où il a recueilli 19,1% des suffrages, ce qui le place en deuxième position et l’élimine de fait.

• « ABC », dernier poids lourd de l’opposition en lice

Alexandre Barro Chambrier, le 16 juillet 2015 à Libreville. © YVAN G.PICTURES POUR J.A

Alexandre Barro Chambrier, le 16 juillet 2015 à Libreville. © YVAN G.PICTURES POUR J.A

« ABC » est loin d’être assuré d’emporter le siège

Nzouba-Ndama, Ntoutoume Ayi et les autres ténors de l’opposition hors course, reste donc Alexandre Barro-Chambrier. Le chef de file du Rassemblement héritage et modernité a réussi à se hisser au second tour dans le quatrième arrondissement de Libreville.

Arrivé en tête avec 40,1% des suffrages contre 38,7% pour son jeune adversaire du PDG Séverin-Pierre Ndong Ekomi, « ABC » est loin d’être assuré d’emporter le siège.

En effet, si le RHM et l’UN, qui se sont entendus dans le cadre de leur alliance pour ne présenter qu’un seul candidat pour le 4ème arrondissement de la capitale, le leader du RHM ne dispose que d’une maigre réserve de voix pour espérer l’emporter au second tour. L’écart avec son adversaire du parti au pouvoir pourrait s’avérer insuffisant.

• Port-Gentil aux mains du PDG

Jean Fidèle Otandault, le ministre gabonais du Budget. © Vincent Fournier pour JA.

Jean Fidèle Otandault, le ministre gabonais du Budget. © Vincent Fournier pour JA.

Jean-Fidèle Otandault, ministre du Budget, a notamment été élu député

Traditionnel bastion frondeur aux mains de l’opposition, la ville de Port-Gentil a vu trois des quatre sièges qui la compose remportés dès le premier tour par des candidats du PDG. Jean-Fidèle Otandault, ministre du Budget, a notamment été élu député du deuxième arrondissement de la ville, la deuxième plus importante du pays dans la province de l’Ogooué-Maritime.

• Le quasi 100% des ministres candidats

Emmanuel Issoze Ngondet. © François Zima

Emmanuel Issoze Ngondet. © François Zima

Le Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet a été élu dès le premier tour dans la commune de Makokou

Ils étaient nombreux sur la ligne de départ le 6 octobre, pour le premier tour des législatives, à occuper un poste de ministre dans le gouvernement d’Emmanuel Issoze Ngondet, lui-même élu dès le premier tour dans la commune de Makokou. Le ministre de la Communication Guy-Bertrand Mapangou, le ministre des Sports et de la Culture Alain-Claude Bilie-By-Nze, Madeleine Berre, ministre de la Promotion des Investissements privés et du Commerce ou encore le ministre des Affaires étrangères Régis Immongault Tatagani ont tous remporté leur siège après le vote du 6 octobre.

Les ministres « d’ouverture » éliminés

Jean de Dieu Moukagni Iwangou © DR

Jean de Dieu Moukagni Iwangou © DR

Michel Menga M’Essone et Jean de Dieu Moukagni Iwangou, tous les deux issus de l’opposition, ont échoué dès le premier tour

Deux exemples viennent ternir le bilan du gouvernement sur ce premier tour. Michel Menga M’Essone, ministre de l’Habitat, et Jean de Dieu Moukagni Iwangou, ministre de l’Enseignement supérieur, tous les deux issus de l’opposition et nommés au gouvernement lors du remaniement ministériel de mai dernier, ont échoué dès le premier tour.

Un camouflet de taille pour ces deux ministres « d’ouverture », Michel Menga M’Essone (RHM), ayant choisi de présenter des listes concurrentes à celles du chef de file du RHM, Alexandre Barro-Chambrier.

Reste à savoir si cet échec affectera leur avenir au sein du gouvernement, le président Ali Bongo Ondimba et son Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet ayant prévenu que les ministres souhaitant conserver leur poste avaient tout intérêt à remporter leur siège.

L’opposition dénonce des fraudes

Une gabonaise vote à l'ouverture du scrutin présidentiel à Libreville, le 30 août 2009 (photo d'illustration). © JOEL BOUOPDA TATOU/AP/SIPA

Une gabonaise vote à l'ouverture du scrutin présidentiel à Libreville, le 30 août 2009 (photo d'illustration). © JOEL BOUOPDA TATOU/AP/SIPA

Plusieurs membres de l’opposition ont dénoncé des fraudes lors du premier tour du scrutin. Interrogé par Jeune Afrique à l’issue du premier tour, le leader du RHM a estimé que « les résultats traduisent surtout les fraudes perpétrées par le PDG pour maintenir son hégémonie et éliminer les leaders de l’opposition du jeu politique », citant « achats d’électeurs, utilisation des moyens de l’État et falsification de procès-verbaux ».

Le nouveau Centre gabonais des élections, qui organisait là son premier scrutin, a contesté par la voix de son président Moïse Bibalou Koumba, ces accusations.

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