« Le temps presse »

Publié le 29 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Après « La guerre n’est pas encore finie », en novembre 2003, et « Pas de paix en vue », en juillet 2004, le troisième rapport de l’International Crisis Group (ICG)* sur la crise ivoirienne, publié le 24 mars, considère que « Le pire est peut-être à venir ». Dans un document de 40 pages, l’organisation de prévention des conflits basée à Bruxelles tire la sonnette d’alarme. Elle estime que, à sept mois de l’échéance électorale d’octobre 2005, le « jeu de dupes » des différentes parties engagées dans ce qu’elle considère non pas comme une « simple crise » mais comme une « vraie guerre » pourrait bien se transformer en « jeu de massacres » si la communauté internationale n’agit pas immédiatement.
Le diagnostic ne fait que réitérer ce que l’ensemble des observateurs constate, à savoir un blocage total, aggravé par la radicalisation des deux parties. Alors que le programme Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) ne progresse pas, que l’organisation des élections n’a toujours pas débuté, le camp présidentiel arme et envoie des milices jusque dans la zone de confiance, tandis que les Forces nouvelles installent une administration parallèle dans le Nord et accréditent la thèse du statu quo.
Face à cet immobilisme, le rapport rappelle à chacun ses responsabilités et livre ses recommandations : l’Union africaine (UA) et l’ONU doivent prendre en charge immédiatement le processus électoral, du début à la fin, ainsi que le démantèlement des points de contrôle tenus par les hommes en armes. Elles doivent décider d’un calendrier fixe sur dix-huit mois maximum, qui peut nécessiter le report de la présidentielle à janvier, voire février 2006. Rien de plus, finalement, que ce que demandaient les quatre partis principaux du G7, au médiateur de l’UA, Thabo Mbeki, en février. À ceci près – et la nuance est de taille – que l’ICG ne considère pas comme un obstacle à la paix la tenue d’un référendum pour modifier l’article 35 de la Constitution, dans la mesure où le scrutin serait organisé par la communauté internationale et parallèlement au processus DDR. Objet de cristallisation des tensions, il définit les conditions d’éligibilité à la présidence et a empêché l’opposant Alassane Ouattara de se présenter en 2000.

L’intervention de l’UA et de l’ONU répond ainsi à un impératif politique et ne doit pas se réduire à une assistance technique. « Une position médiane, à mi-chemin entre la coercition et l’inaction, est promise à l’échec », affirme le rapport, qui estime « que les dissonances au sein de la communauté internationale ont jusque-là pesé négativement sur les efforts de résolution de la crise. » Il propose donc que l’UA assume « le leadership politique des nouvelles initiatives, avec le plein soutien du Conseil de sécurité. Elle a montré récemment, par sa gestion du dossier togolais, sa détermination à prévenir l’apparition de nouveaux foyers de crise en Afrique de l’Ouest. »
C’est elle qui doit persuader Thabo Mbeki de demander au Conseil de sécurité d’appliquer les sanctions individuelles prévues par la résolution 1572. Considérant le président sud-africain comme l’homme le plus apte à résoudre la crise, l’ICG regrette qu’il ait, jusqu’à maintenant, retardé l’application de ces sanctions. Il argue, en outre, que le mandat de Mbeki gagnerait en crédibilité et en efficacité si l’Afrique du Sud s’engageait sur le terrain, au sein des forces de l’Onuci, pour, à terme, remplacer une partie des soldats de Licorne. En effet, le rapport constate que la France n’est plus considérée comme une force impartiale, pour des raisons différentes au Nord et au Sud. Mais il reste prudent et insiste sur le « soutien décisif » qu’apporte encore Paris à l’Onuci et sur les risques de débordement que poserait un départ prématuré des 4 000 soldats de Licorne. Le retrait français ne se fera que s’il est assorti d’un renforcement de forces de l’Onuci, et si celle-ci est dotée d’une force de réaction rapide, formée, par exemple, de soldats sud-africains. Encore faudrait-il que Pretoria en ait les moyens. Quelle que soit la décision que prendra le Conseil de sécurité, qui doit renouveler le mandat de l’Onuci le 4 avril et peut-être augmenter les moyens mis à sa disposition, « le temps presse », conclut le rapport.

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*www.icg.org

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