Investir à tout-va, le va-tout de Siat
Acquisition d’une nouvelle plantation d’hévéas, recrutement de milliers d’employés… En dépit d’un résultat déficitaire en 2013, la société joue la carte du long terme.
L’année 2013 aura été difficile pour Siat Gabon. La filiale de la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale – groupe propriété de l’homme d’affaires belge Pierre Vandebeeck – a perdu 8 millions d’euros, et son chiffre d’affaires, de 51,8 millions d’euros, a encore reculé de 15 % en un an.
Siat Gabon avait pourtant connu jusqu’en 2011 une progression constante de ses revenus. Ils avaient alors atteint leur plus haut niveau – 72,7 millions d’euros. Mais avec la crise du secteur automobile, la demande mondiale s’est effondrée. L’hévéaculture représentant 80 % du chiffre d’affaires du groupe, c’est tout son équilibre qui s’est trouvé ébranlé.
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À cela s’ajoute la situation « structurellement déficitaire » de la branche huile de palme – dont la quasi-totalité de la production est destinée au marché gabonais -, explique un analyste financier. L’oléagineux de Siat Gabon ne résiste pas à la concurrence des huiles de table importées d’Asie, moins chères grâce à des coûts de production bas. En outre, l’entreprise dénonce des pratiques frauduleuses de la part des sociétés asiatiques lors de leur passage aux douanes. En 2012, Siat a même dû arrêter l’activité de son usine de Lambaréné pendant trois mois et a mis au chômage 250 employés.
Et pour compliquer la situation, Siat devra bientôt compter avec un rival de taille au Gabon, le singapourien Olam. Le groupe, adossé au fond souverain Temasek, qui dispose d’une puissance de feu financière sans commune mesure avec celle de Siat, a commencé, en 2012, à développer des plantations. Il possède déjà 50 000 ha destinés à l’huile de palme (dont une partie plantée) et s’est lancé dans l’hévéa, avec 28 000 ha, pour un investissement de 183 millions d’euros.
Paradoxe
« Notre situation dépend fortement des marchés internationaux, mais nous savons qu’à moyen et long terme cela va remonter », assure Jean-Michel Ndoutoume Obame, responsable de la communication chez Siat Gabon, rappelant que le retour sur investissement se fait de toute façon à quinze, vingt ans dans le « planting ». « La situation de Siat Gabon n’est pas si préoccupante tant qu’elle ne dure pas », estime l’analyste. « En revanche, ce qui risque de poser problème, c’est le financement, car le planting est très consommateur de liquidités. »
En effet, c’est là le paradoxe. L’entreprise, malgré ses mauvais résultats, a décidé de poursuivre ses investissements à bon train dans l’hévéaculture, le palmier à huile et l’élevage. En avril dernier, Siat Gabon a même racheté une ancienne concession d’hévéas de 10 000 ha abandonnée dans le Moyen-Ogooué (centre du pays) pour 175 millions de F CFA (266 000 euros) – dont la moitié sera consacrée aux pépinières et à la plantation. La société compte exploiter 20 000 ha au Gabon d’ici dix ans, contre 15 000 ha aujourd’hui. Dans le secteur du palmier à huile, un ambitieux programme a également été lancé pour planter de nouveaux arbres sur 6 000 ha à Bindo, dans la région de Makouké, ce qui permettra un quasi-doublement de la surface actuelle.
Plus de 6 000 employés seront recrutés dans les différents sites et des efforts sont menés pour améliorer la productivité des usines de transformation (caoutchouc, huile, savon).
L’oléagineux de Siat Gabon ne résiste pas à la concurrence des huiles de table importées d’Asie.
La société, créée en 2004 via l’acquisition des sociétés publiques Agrogabon (huile de palme), Hévégab (caoutchouc naturel) et du ranch Nyanga (élevage de bovins), s’est aussi engagée à investir 315 milliards de F CFA dans le cadre d’une nouvelle convention fiscale et douanière signée en juillet avec l’État pour les dix ans à venir.
Reste que l’entreprise ne dispose pas aujourd’hui des liquidités nécessaires pour assurer ses investissements. Afin de trouver les financements dont elle a besoin, elle pourrait éventuellement se tourner vers des bailleurs de fonds, comme elle l’a déjà fait avec la Banque africaine de développement, ou bien chercher à nouer un partenariat. Pourquoi pas avec son futur concurrent ?
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