Kasparov

Le champion du monde d’échecs renonce à la compétition et se lance dans la politique. Sa bête noire : Vladimir Poutine et son régime dictatorial.

Publié le 29 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

« Il y a trente ans, lors du championnat junior d’Union soviétique, j’ai participé à mon premier tournoi d’échecs au niveau national. Il y a vingt ans, à Moscou, je suis devenu le plus jeune champion du monde de l’Histoire. L’autre semaine, en Espagne, j’ai disputé mes dernières parties sérieuses en gagnant pour la neuvième fois le super-tournoi des Grands Maîtres, à Linares. Aujourd’hui, j’ai décidé de prendre ma retraite. »
C’est en ces termes que Garry Kasparov, l’un des plus grands joueurs d’échecs de tous les temps, a fait savoir au Wall Street Journal, dont il est un collaborateur régulier, qu’il renonçait à la compétition.
Pourquoi cette décision ? « Je me suis toujours fixé des objectifs ambitieux, commente Kasparov, et j’ai eu la chance de les atteindre presque tous. À mon âge (41 ans) et avec mon expérience, je peux encore faire beaucoup de choses. » Et d’expliquer : « Plus je passe de temps à explorer le royaume sans limites de la pensée humaine, plus il m’est difficile de réduire le champ d’application de mon énergie aux soixante-quatre cases de l’échiquier. L’énorme travail qui est nécessaire pour me maintenir au sommet est de moins en moins payant. Chaque année, je dois consacrer davantage de temps à l’étude pour rester au niveau de mes jeunes adversaires, qui ont tous adopté mes méthodes d’entraînement avec des ordinateurs. »
Que va désormais faire Kasparov ? Réfléchir, par exemple, aux mécanismes de l’intuition, qui permettent à un joueur d’échecs, qui ne peut imaginer que deux ou trois coups par seconde, de battre un ordinateur capable, dans le même temps, d’en passer en revue plusieurs millions. Promouvoir, aussi, le rôle des échecs dans l’éducation. « Mais finalement, dit-il, c’est mon intérêt pour la politique qui a joué le rôle principal dans ma décision. Depuis des années, je suis un ardent défenseur de la démocratie en Russie. Désormais, je vais pouvoir consacrer à la politique autant de passion et de détermination que naguère aux échecs. »
La vision de Kasparov est sans doute quelque peu bushienne. « Voici venu le temps de l’ambition, dit-il. La victoire en Ukraine et le remodelage du Moyen-Orient sont les symboles de la prédominance économique, militaire et morale de la démocratie dans le monde d’aujourd’hui. Il faut en tirer parti pour mettre fin à l’ère des complaisances et des concessions incarnée par les Nations unies. En politique comme aux échecs, dans le domaine militaire comme dans les affaires, quand vous avez l’avantage, il faut en profiter. Pour la première fois de l’Histoire, nous sommes en mesure de faire échec à la tyrannie. »
« Hélas ! tempère le champion du monde, ce n’est pas le cas dans mon pays. La Russie traverse une crise et tous les honnêtes gens doivent résister à la montée de la dictature de Vladimir Poutine. Nous devons nous unir pour organiser une véritable opposition à ce régime. Je suis à présent en mesure d’offrir non seulement mon nom et mes conseils, mais aussi ma participation active. Je sais que ce n’est pas un jeu, mais un vrai défi pour l’avenir de mon pays. Je me prépare au combat de ma vie. Quand je vois mon fils de 8 ans, je suis conscient de l’importance de l’enjeu. Beaucoup de Russes qui en ont les moyens envoient leurs enfants faire leurs études à l’étranger. Je pourrais le faire aussi, mais je veux que mon fils grandisse dans le pays où il est né. Je ne veux pas qu’il soit obligé de participer à une guerre illégitime ou qu’il ait à craindre une répression dictatoriale. Je veux qu’il vive dans un pays libre et soit fier de son pays et de son père. » Et Kasparov conclut : « Je ne renonce pas aux échecs pour être candidat à la présidence ou à de hautes fonctions, encore que je n’exclue rien. J’ai décidé de m’opposer à un régime autoritaire et d’essayer de faire en sorte que les choses changent. Nous sommes des millions en Russie à vouloir une presse libre, des élections libres et un État de droit. Ma nouvelle raison d’être est de me battre pour ces gens et de me battre pour ces objectifs. » Connaîtra-t-il la même réussite qu’aux échecs ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires