Jusqu’où ira le baril ?

Publié le 29 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

Le niveau extraordinairement élevé des prix du pétrole depuis de très nombreux mois ne peut plus être interprété comme un simple « accident », consécutif à la guerre d’Irak et à ses avatars. Installés depuis peu nettement en dessus de 50 dollars le baril, parfois même à peine en dessous de 60 dollars comme pendant la seconde partie du mois de mars, les cours du brut n’ont, depuis un an et demi, plus aucun rapport avec la fourchette des 22-28 dollars qui constitue théoriquement l’objectif tarifaire poursuivi par l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole).
C’est tellement évident que plusieurs États membres de l’organisation, à commencer par le Venezuela d’Hugo Chávez, ont déjà fait savoir qu’ils considéraient désormais que le prix d’équilibre du brut devrait être bientôt fortement réévalué. Il se situera quelque part entre 40 et 50 dollars le baril au minimum en 2005, affirmait récemment l’homme fort du cartel, le Saoudien Ali al-Naimi. Et d’aucuns d’évoquer pour les années, sinon les mois à venir, un pétrole à 80, voire 100 dollars le baril.
Les pays producteurs ne manquent pas d’arguments pour soutenir leur position. Car si, en l’absence de pénurie réelle ou même probable, une bonne part de la hausse actuelle est due à la spéculation qu’entretiennent les initiatives américaines belliqueuses en Irak et ailleurs, elle n’est pas pour autant entièrement attribuable à cet élément destiné – on peut l’espérer – à disparaître. La baisse spectaculaire, depuis deux ans, de la monnaie de compte du commerce de l’or noir, le dollar, pousse évidemment les cours à grimper, car les différents opérateurs ne veulent pas perdre de leur pouvoir d’achat. Et, de plus, en monnaie constante, le pétrole n’est pas aujourd’hui hors de prix par rapport à ce qu’il valait il y a un quart de siècle, bien au contraire. Cela alors même que les producteurs – les États comme les compagnies internationales – ont plutôt réduit, malgré leurs revenus colossaux, leurs investissements dans l’exploration et la mise en valeur de nouveaux gisements.
Faut-il donc considérer que nous sommes entrés dans l’ère du pétrole cher, et même très cher pour tous les pays consommateurs du Sud, les premiers pénalisés ? Et que nous assistons, trente ans après le premier « choc pétrolier », à une nouvelle prise de pouvoir durable de l’Opep sur le marché ? Il serait hasardeux de répondre par l’affirmative à ces deux questions. D’abord parce que les « fondamentaux » du marché ne vont pas dans ce sens, même à long terme : il y avait trente-quatre ans de réserves en fonction de la consommation effective en 1972, il y en a environ quarante aujourd’hui ! Et il faut savoir que si les prix continuaient de s’envoler, cela rentabiliserait l’exploitation des schistes bitumineux, et l’horizon des réserves s’éloignerait encore plus. En outre, il est évident que l’Opep n’a guère de prise sur le marché, ne faisant qu’appliquer depuis deux ans la célèbre maxime de Cocteau : « Puisque ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs. » Voilà pourquoi, sauf nouvel imprévu, il ne faut rien exclure, pas même un retour à des prix plus modérés – entre 30 et 40 dollars ? – d’ici à la fin de l’année.

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