George Kennan

Le diplomate américain est mort à Princeton le 17 mars à 101 ans.

Publié le 29 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Le XIXe siècle avait eu le Français Talleyrand. Le diplomate du XXe aura été l’Américain George Kennan. Il a débordé un peu dans le XXIe, disparaissant le 17 mars, à l’âge de 101 ans. « Architecte » de la politique des États-Unis face à l’Union soviétique pendant la
guerre froide, de 1948-1949 à 1990-1991, il a contribué plus que tout autre à éviter l’apocalypse nucléaire et permis d’attendre l’effondrement de « l’empire du Mal ». Son secret : le mot containment, « l’endiguement ».

George Frost Kennan est né à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 16 février 1904. Son père était avocat, sa mère est morte quand il avait 2 mois. À 8 ans, il part avec sa belle-mère pour Kassel, en Allemagne, afin d’apprendre l’allemand. Diplômé de l’université de
Princeton, dans le New Jersey, en 1925, il est vice-consul à Genève et à Hambourg jusqu’en 1927, puis étudie le russe pendant trois ans à Berlin. Plus tard, il apprendra également le français, le polonais, le tchèque, le portugais et le norvégien langue maternelle d’Annelise Sorensen, qu’il a épousée en 1931.
Il fait un premier séjour à l’ambassade des États-Unis à Moscou, auprès de William Bullit, de 1933 à 1937. En 1940, il est secrétaire de Sumner Welles, qui tente en Europe une vaine mission de paix. Il se trouve en Allemagne au moment où Hitler déclare la guerre aux États-Unis et est interné plusieurs mois.
En 1944-1946, Kennan est ministre-conseiller, à Moscou, de l’ambassadeur Averell Harriman. C’est de là qu’en février 1946 il envoie son « Long Télégramme » de 8 000 mots, le plus célèbre de l’histoire diplomatique américaine. L’URSS, explique-t-il, considère qu’elle vit dans un « encerclement capitaliste », avec lequel « il ne peut y avoir aucune coexistence pacifique permanente ». Kennan est convaincu, cependant, que « les États-Unis peuvent résoudre le problème – et cela, sans avoir recours à un conflit militaire généralisé ». En effet, « le pouvoir soviétique, contrairement à l’Allemagne hitlérienne, n’est ni schématique ni aventuriste. Il ne fonctionne pas sur des plans préétablis. Il ne prend pas de risques inutiles. Insensible à la logique de la raison, il est extrêmement sensible à la logique de la force. Pour cette raison, il peut facilement battre en retraite – et il le fait généralement lorsqu’il se heurte à une forte résistance. »

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L’essentiel du « Long Télégramme » sera repris, un an plus tard, dans la revue Foreign
Affairs, sous le titre « The Sources of Soviet Conduct ». Article signé « X ». Kennan y reprend son argumentation de base : « La théorie de l’inévitabilité de la chute finale a ceci de bon qu’il n’y a nul besoin de se hâter. Les forces de progrès peuvent prendre tout leur temps pour préparer le coup de grâce [en français dans le texte]. » Face au monde occidental, « la Russie est la partie la plus faible et la société soviétique peut d’ailleurs avoir certains défauts qui l’affaibliront encore davantage ».
D’où la phrase fameuse : « Il est évident que le principal élément de toute politique des États-Unis à l’égard de l’Union soviétique doit être un endiguement à long terme, patient mais vigilant, des tendances expansionnistes russes. »
Kennan prenait bien soin de souligner qu’il ne fallait pas que les Américains « jouent les durs » et qu’ils devaient toujours trouver une solution qui « ne porte pas atteinte au prestige russe ».
À la fin des années 1940, Kennan devait collaborer à l’élaboration du plan Marshall. En 1952, il est nommé ambassadeur à Moscou, mais déclaré, quelques mois plus tard, persona non grata pour avoir comparé les conditions de vie en URSS à celles de l’Allemagne nazie.
Anecdote : lorsque la fille de Staline, Svetlana, s’exila aux États-Unis, un autre diplomate, Richard Hollbrooke, l’invita à dîner avec Averell Harriman et Kennan, pour qu’elle puisse rencontrer ceux que son père lui avait interdit de voir à Moscou.
Kennan a consacré les cinquante dernières années de sa vie à la recherche et à l’enseignement au prestigieux Institute for Advanced Study de Princeton. C’est là qu’il est décédé. Le gentleman diplomate est également l’auteur de très nombreux articles et d’une vingtaine de livres, dont deux prix Pulitzer.

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