Dures réalités

Publié le 29 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Les Arabes avaient jusqu’ici la réputation d’être fiers, peut-être trop. Comment expliquer alors que leurs dirigeants semblent s’être départis de toute fierté dans leurs relations avec Israël ?
Trop arrogants du temps de Nasser1 et sans s’être donné les moyens économiques, culturels, diplomatiques et militaires de cette arrogance, les voici devenus, sous l’ère Moubarak (elle dure depuis vingt-quatre ans), quémandeurs de paix et de territoires perdus (de par leur faute dans des guerres qu’ils ont parfois provoquées).
Ils sont ainsi passés, en moins d’une génération, du triple « non ! » de septembre 1967 à Khartoum2 au « s’il vous plaît, M. Sharon, rendez-nous nos territoires, nous ferons ce que vous voudrez ».

Présentée au sommet de Beyrouth en mars 2002, rejetée avec dédain par l’homme qui, vingt ans plus tôt, se trouvait… à Beyrouth (en général conquérant), la supplique des vingt-deux États arabes, pour une fois unanimes, a été réitérée par les mêmes, ce 23 mars, au sommet d’Alger…
Pour essuyer, pas de Sharon lui-même mais de l’un de ses ministres, le même rejet méprisant : « Quand ces irréalistes d’Arabes cesseront-ils de nous importuner avec leurs jérémiades, a-t-il dit en substance, comment peuvent-ils ne pas s’apercevoir, comme tout le monde, que nous sommes plus forts aujourd’hui qu’en 2002 et eux plus faibles et plus désunis ? Nous n’avons besoin ni de nous concerter entre responsables israéliens, ni de consulter nos alliés avant de redire : non ! non et non… »

la suite après cette publicité

Si les dirigeants actuels des pays de la Ligue arabe ne craignent pas le ridicule en réitérant une proposition qu’Israël (gouverné par les mêmes hommes) a déjà rejetée en 2002, c’est qu’ils n’ont aucune stratégie de rechange et ne se sentent pas capables d’en élaborer une.
Mais aussi parce qu’ils ne veulent pas prendre en considération tout ce qui a changé dans le monde et dans leur région et autorise Israël à ignorer une proposition qu’il aurait saisie avec joie et enthousiasme si elle avait été faite il y a seulement dix ans.

L’Israël de ce début de XXIe siècle, celui qui se reconnaît en Sharon et que ce dernier est parvenu à personnifier, ne rendra pas les territoires palestiniens occupés et continuera à les coloniser. Il ne laissera aux Palestiniens, outre Gaza, que la partie de la Cisjordanie trop peuplée « d’Arabes » pour qu’il puisse s’y maintenir.
Cet Israël-là ne contribuera pas sérieusement à une solution du problème des quatre à cinq millions de réfugiés palestiniens, ne montrera aucun empressement à évacuer le Golan syrien et voudra, en tout état de cause, en garder (ou en contrôler) une partie.
Cet Israël-là ne veut pas faire la paix globalement avec les vingt-deux pays de la Ligue arabe, car il ne considère pas qu’ils forment un ensemble uni, ou seulement solidaire. Sa politique est de les amadouer un à un et d’avoir, avec ceux d’entre eux qui l’intéressent, les relations qui lui conviennent. Il y parvient sans beaucoup d’efforts.
Calé sur l’appui inconditionnel des États-Unis, il ne doute pas de pouvoir tenir cette ligne aussi longtemps qu’il le faudra.

Tant que les pays arabes auront des dirigeants qui ne voient pas ces dures réalités, ou font semblant de ne pas les voir, ils iront de rebuffades en déconvenues.
Et plaignez déjà le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, car il va, lui, dans le mur : quoi qu’il fasse et dise, il obtiendra beaucoup moins que ce que son prédécesseur Yasser Arafat aurait pu engranger… il y a cinq ans. Et ne pourra, par conséquent, rien conclure de définitif ni de permanent…
Qui dit que le temps travaille pour les Arabes ? Le temps en lui-même ? Non. Mais le temps et la démographie ? Oui, certainement.
J’y reviendrai… une autre fois.

1. Président de l’Égypte depuis les années 1950, disparu en 1970.
2. Le sommet arabe de Khartoum (Soudan), tenu après la retentissante défaite essuyée en juin 1967 (« guerre des Six-Jours »), a accouché d’une résolution qui stipulait : non à la reconnaissance (d’Israël), non à la négociation et non à la paix.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires