Dirigeants-populations : le fossé se creuse

Publié le 29 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Dire que l’opinion publique arabe a une piètre idée de la Ligue arabe et de sa plus
haute instance, le sommet des chefs d’État est une évidence. Ce désamour, qui ne date pas d’hier, s’est aggravé au fur et à mesure que se creusait le fossé entre les régimes en place et leurs peuples. Plusieurs sondages réalisés la veille du sommet d’Alger en ont apporté encore la preuve.
« Êtes-vous optimiste quant à l’issue du sommet arabe d’Alger ? » a ainsi demandé la chaîne qatarie Al-Jazira sur son site Internet aljazeera.net. Les réponses furent sans surprise : sur 15800 votants, 89 % ont répondu par la négative.
Le site elaph.com a posé, quant à lui, une question encore plus directe : « Seriez-vous pour la suspension des sommets arabes dont l’inutilité n’est plus à prouver ? » Sur 3640 personnes qui se sont exprimées, 85 % ont répondu par l’affirmative.
Selon un autre sondage mené par le quotidien saoudien al-Watan sur l’un des sujets centraux du sommet d’Alger, les réformes démocratiques dans le monde arabe, 84 % des personnes interrogées ont affirmé que ces réformes à supposer qu’elles soient mises en route un jour seraient le résultat de pressions extérieures, contre 12 % qui les attribuent à une revendication populaire et seulement 4 % à une volonté des régimes en place.
Un quatrième sondage, organisé par la chaîne de télévision Al-Jazira auprès de 18000 personnes et dont les résultats ont été publiés sur son site déjà cité , définit « les priorités de la rue arabe » selon l’échelle suivante : le soutien au peuple palestinien (27,6 % des voix), les réformes démocratiques (26 %), l’amélioration de la situation des droits de l’homme (11 %), la lutte contre la pauvreté et le chômage (9,6 %), le débat sur la normalisation ou non avec Israël (7,8 %), l’appui à l’indépendance et à la souveraineté de l’Irak (6,8 %), la création d’un marché arabe commun (6 %), la liberté de circulation entre les pays arabes (4,4 %), l’amélioration des programmes de santé (0,9 %).
Ce dernier sondage confirme ce que nous savions déjà que l’avenir du peuple palestinien demeure la préoccupation première des Arabes. Il nous apprend aussi ce que nous savions moins que les Arabes placent les réformes démocratiques et le respect des droits de l’homme en tête de leurs priorités (37 % des votes au total), très loin devant les questions économiques et sociales : pauvreté, chômage, libre circulation, santé (14,9 % des voix).
Autre résultat surprenant : la question irakienne, que les élites intellectuelles et politiques de la région placent en haut de leurs préoccupations, ne semble pas passionner outre mesure leurs concitoyens. En effet, moins de 1 votant sur 14 l’a mise en tête de ses
priorités. Le succès des élections du 30 janvier dernier, qui ont permis l’émergence d’une nouvelle direction irakienne élue, et la marginalisation progressive de la « résistance » dont les attentats contre les civils irakiens sont de moins en moins défendables ont-ils provoqué ce changement d’attitude ? On pourrait le penser.
Les sommets de la Ligue arabe dix-sept ont eu lieu depuis la création de l’organisation en 1945 ont rarement débouché sur des décisions qui ont eu un impact positif sur la vie
des populations de la région : la circulation entre les pays arabes est plus difficile qu’entre ces derniers et le reste du monde, la part des échanges commerciaux entre les pays arabes dans le montant de leurs échanges globaux est proche de zéro, un travailleur
philippin, pakistanais ou indien a plus de chances de trouver du travail en Arabie saoudite qu’un Marocain ou un Soudanais
« La Ligue arabe n’est pas représentative des aspirations des peuples de la région. Elle est plutôt le reflet des préoccupations et des inquiétudes des gouvernements. En conséquence, elle n’uvre pas pour le bienêtre des populations, mais pour la défense et le maintien des régimes en place », explique un confrère beyrouthin Qui ajoute, un brin désenchanté : « La réforme interne de l’organisation, qui prévoit notamment la création d’une Cour arabe de justice et d’un Parlement arabe, vise à combler ce fossé d’incompréhension et de défiance qui sépare les Arabes de leur Ligue. Mais il y a fort à parier que ces nouveaux mécanismes, dont la création a été décidée à la hâte sous la pression extérieure, ne verront jamais le jour. »

(Voir aussi pp. 20-21 « L’homme de la semaine », Amr Moussa)

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