Présidentielle au Cameroun : Elecam rejette les accusations de fraudes de l’opposition

Des débats très animés ont marqué le deuxième jour des audiences au Conseil constitutionnel, relatives à l’examen des demandes d’annulation du scrutin présidentiel déposées par l’opposition. L’organe Elecam a notamment rejeté les accusations de fraudes formulées par le MRC.

Une femme vote lors de l’élection présidentielle au Cameroun, le dimanche 7 octobre 2018 (Image d’illustration). © Sunday Alamba/AP/SIPA

Une femme vote lors de l’élection présidentielle au Cameroun, le dimanche 7 octobre 2018 (Image d’illustration). © Sunday Alamba/AP/SIPA

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 18 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

Au Cameroun, les indépendantistes font peser une menace sur la présidentielle du 7 octobre 2018. © Akintunde Akinleye/REUTERS
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Présidentielle au Cameroun : huit candidats dans la course

Huit candidats, dont le président sortant Paul Biya, s’opposent lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Un scrutin qui se déroule dans un contexte sécuritaire tendu, en particulier dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, secouées par un conflit opposant le gouvernement à des séparatistes.

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Dix minutes ont suffi pour bouleverser la deuxième journée d’examen des recours post-électoraux devant le Conseil constitutionnel. C’est dans la cacophonie que Clément Atangana, le président de cette institution, a ajourné à 22 heures la séance de travail entamée la veille. Un désordre notamment provoqué par le magistrat Emile Essombe, membre du Conseil, et les avocats de Maurice Kamto qui se qualifiaient mutuellement d’être des menteurs. Une accusation due à la présentation par le magistrat de six procès-verbaux des commissions départementales de décompte de votes, jugés « frauduleux » par la défense.

Les conseillers de Maurice Kamto ont fait remarquer à l’assistance que ces procès-verbaux possèdent chacun une feuille avec les signatures des supposés membres de ladite commission, en lieu et place de signatures apposées sur toutes les pages comme cela est d’usage. Une preuve, selon eux, que les chiffres compilés par la Commission nationale de recensement des votes – qui donnent le président sortant Paul Biya largement vainqueur –, sont le fruit « de fraudes massives » effectuées au niveau départemental.

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Des allégations pourtant rejetées tout au long de cette journée par Elecam – l’organe chargé des élections -, par le ministère de l’Administration territoriale et le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), avec des arguments dont certains ont réussi à déstabiliser l’équipe du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Jusqu’à la sortie du magistrat Emile Essombe…

Retour sur les moments forts.

« Irrégularités », « fraudes » et « violations de la loi »

L’audience portant sur la demande d’annulation partielle du scrutin présidentiel déposée par Maurice Kamto s’est ouverte sur les neuf griefs qu’il a présentés dans sa requête. « Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont en situation de crise depuis plus de deux ans, il était impossible d’y respecter les règles d’organisation de la présidentielle et donc d’avoir des résultats sincères, crédibles et transparents, explique à Jeune Afrique Me Michèle Ndoki. Dans les autres régions concernées par notre plainte, on a noté de nombreuses autres irrégularités, des fraudes et des violations flagrantes de la loi. Je peux citer le surdimensionnement des affiches du candidat Paul Biya, un nombre insuffisant de bulletins de Maurice Kamto, le non affichage de la liste des bureaux de vote dans le délais prescrit par la loi, le non retrait des bulletins d’Akere Muna au profit de Maurice Kamto, ou encore l’inégalité des passages des candidats à la télévision nationale. »

« Les résultats que le Conseil constitutionnel s’apprête à lire sont absolument faux », a renchéri Me Emmanuel Simb, président du collège d’avocat de la défense.

On se rend compte que ce qu’on appelle des procès-verbaux originaux dans cette Cour ne sont pas signés

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Pour prouver leurs allégations, les avocats de Maurice Kamto ont présenté une série de 32 procès-verbaux issus de la Commission nationale de décompte des voix, dont la forme prouverait selon eux qu’ils ne sont pas des originaux. « On se rend compte que ce qu’on appelle des procès-verbaux originaux dans cette Cour ne sont pas signés. Est-ce qu’il y a un endroit dans ce monde où l’on peut accepter des documents faits dans les bureaux ? En réalité, nous attendions qu’on nous produise ces 32 procès-verbaux. Ils donnent droit à 1 327 000 voix. Voilà 1 327 000 voix qu’on veut donner à monsieur Paul Biya. On ne peut pas l’accepter. Il faut que le Conseil constitutionnel nous présente tous les procès-verbaux. Il en a sorti six ce soir. Aucun d’entre eux n’est signé. Nous attendons encore les autres, qui ne seront pas non plus signés », affirme Paul Éric Kingue, le directeur de campagne du candidat Kamo.

La riposte d’Elecam, de ministères et du RDPC

Après les accusations de « fraudes » par le MRC, la riposte est venue tour à tour d’Elecam, du RDPC, du ministère de l’Administration territoriale et même du ministère de la Défense. Maurice Kamto, le candidat du MRC, a notamment été accusé de mensonges, de mauvaise foi, de manipulation du peuple, de tribalisme ou encore de tentative d’insurrection populaire au cours de cette audience retransmise en direct par plusieurs chaines de télévision nationales et sur plusieurs plateformes Internet.

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« Ce monsieur a perdu dans son propre village. Ça veut dire que ses parents, ses oncles, ses tantes n’ont pas voté pour lui. Et il veut nous faire croire qu’il a gagné sur le plan national ? », s’est interrogé l’ancien ministre Njiemoun Mama.

Maurice Kamto et son parti sont accusés d’avoir présenté des preuves factices afin de convaincre les membres du Conseil constitutionnel et le peuple camerounais que le scrutin avait été émaillé de graves irrégularités. « On peut estimer que les affiches étaient trop grandes et ainsi annuler la campagne, mais cela n’aura pas de sens. Tout se passe dans les bureaux de vote. Ils doivent rester dans le cadre de la loi, ils n’ont pas le choix. Le candidat Maurice Kamto a brandi les preuves de la fraude, selon lui. Ce n’est que dans les bureaux de vote qu’il peut avoir des fraudes, or ils ne nous ont présenté aucun procès-verbal d’un de ces bureaux », affirme pour sa part Abdoulkarimou, le directeur général adjoint d’Elecam.

Audience suspendue

Mais alors que tout semblait joué, le MRC a eu l’occasion de revenir à la charge. Emile Essombe, qui a présidé les travaux de la Commission nationale de recensement général des votes, a tenu à répondre une fois de plus aux griefs formulés contre sa commission par le parti d’opposition. Le conseiller a donc sorti six exemplaires de procès-verbaux venus des départements, en révélant la provenance de quatre d’entre eux : Mayo-Danay, Diamaré, Faro et Mvila. À chaque fois, les scores récoltés par Maurice Kamto ne dépassent pas les 7%, alors que le Paul Biya a plus de 80% des suffrages valablement exprimés.

Les avocats du MRC ont demandé à examiner ces documents présentés comme étant la preuve de leurs mensonges, mais le professeur Alain Fogue, mandataire du MRC au sein de la Commission, s’est vite dirigé vers le micro et a annoncé que le conseiller Essombe avait menti tout du long.

Dans un brouhaha, l’audience a été levée. Le délibéré est attendu le jeudi 18 octobre à 18 heures.

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