Burkina : « Des amis en Côte d’Ivoire » ont financé « nos actions politiques », affirme Léonce Koné

Mis en cause pour son implication présumée dans le coup d’État manqué de septembre 2015, Léonce Koné, l’un des poids lourds du CDP, l’ancien parti au pouvoir, a affirmé à la barre que de l’argent « collecté auprès d’amis en Côte d’Ivoire et dans la sous-région » lui avait seulement été remis pour soutenir les « actions politiques » de son parti.

Des militaires burkinabè près de l’entrée de l’hôtel Libya, où des discussions sur le coup d’État ont eu lieu dimanche 20 septembre 2015 à Ouagadougou, au Burkina Faso. © Theo Renaut/AP/SIPA

Des militaires burkinabè près de l’entrée de l’hôtel Libya, où des discussions sur le coup d’État ont eu lieu dimanche 20 septembre 2015 à Ouagadougou, au Burkina Faso. © Theo Renaut/AP/SIPA

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Publié le 18 octobre 2018 Lecture : 4 minutes.

En septembre 2015, Léonce Koné, deuxième vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, l’ex-parti au pouvoir) avait implicitement apporté son soutien  aux putschistes.

Mercredi 17 octobre, trois ans plus tard, celui qui a dirigé le directoire du CDP au lendemain de la chute de Blaise Compaoré, en octobre 2014, a comparu – libre – à la barre du tribunal militaire devant lequel se déroule le procès des auteurs présumés de la tentative de déstabilisation de la Transition. L’ancien banquier doit y répondre des charges de « complicité d’attentat à la sûreté de l’État » et de « coups et blessures volontaires ».

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« Une initiative des jeunes soldats »

« Nous avons approuvé le changement de régime car la Transition était arrivée à des dérives en nous empêchant de participer aux élections », a-t-il d’abord déclaré.

Mais l’intéressé a nié, en revanche, toute responsabilité dans le déclenchement du putsch : « Rien dans ce dossier ne m’ébranle », a-t-il affirmé.

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Au fil de son témoignage, la version livrée par Léonce Koné tranche avec celle défendue par les sous-officiers du RSP, l’ex-garde prétorienne de Blaise Compaoré. Là où ces derniers affirment avoir agi sur instructions du général Gilbert Diendéré, lui affirme au contraire que l’ancien chef d’état-major de Blaise Compaoré n’a pas été à l’origine du putsch.

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« Le général [Diendéré] nous a dit qu’il s’agissait d’une initiative des jeunes soldats pour provoquer un changement de régime et qu’il les a relayés en prenant la direction [du mouvement] », assure Léonce Koné devant ses juges. À la même barre, en juillet dernier, l’adjudant Jean-Florent Non avait, lui, directement mis en cause le général Diendéré, affirmant qu’il les avait « instruits de faire le coup d’État ».

La thèse du financement ivoirien

Léonce Koné est également revenu sur la question des 50 millions de FCFA que la justice militaire l’accuse d’avoir reçu des mains du général putschiste pour organiser des actions de soutien à ce qu’il qualifie de « changement de régime ».

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Une somme qui, à en croire Léonce Koné, lui aurait été en partie versée – ainsi qu’à l’ancien ministre René Émile Kaboré, en fuite – par des « amis ivoiriens ».

« C’est le fruit d’une collecte de fonds auprès de ces amis pour soutenir nos actions politiques », s’est il justifié. « Vingt millions étaient pour le parti majoritaire, le CDP. Cinq millions étaient destinés à l’alliance des partis politiques et le reste, 25 millions, était réservés pour des besoins ultérieurs », a-t-il encore affirmé à l’audience.

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Face à l’accusation, qui assure que le général Diendéré aurait lui-même reçu ces subsides du général Vagondo Diomandé, le chef d’état-major particulier du président ivoirien Alassane Ouattara, Léonce Koné reste sur sa position.

« Cette somme a été collectée auprès d’amis en Côte d’Ivoire et dans la sous-région », martèle-t-il. Et de préciser que, sur ces 50 millions, 15 millions de FCFA sont issus de ses propres économies.

Ce financement, selon lui, n’aurait aucun rapport avec la tentative de coup de force. « Les 50 millions mobilisés n’ont rien à voir avec le coup d’État », insiste-t-il.

L’audition des 84 accusés, qui comparaissent l’un après l’autre depuis juin devant le tribunal militaire – délocalisé dans la salle des banquets de Ouaga 2000, quartier chic de la capitale -, touche désormais à sa fin. La comparution des généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, considérés par l’accusation comme les principaux instigateurs du coup d’État, qui a fait 14 morts et 251 blessés, devraient se tenir dans les prochains jours.

Erratum

Cet article, publié le 18 octobre 2018 et initialement intitulé « Burkina : le putsch manqué a été financé par “des amis en Côte d’Ivoire”, affirme Léonce Koné », comportait des approximations et inexactitudes que nous avons, depuis, rectifiées.

Nous nous en excusons auprès de nos lecteurs et de M. Léonce Koné, qui nous a adressé la mise au point suivante :

« Il était indiqué en substance dans votre article que, à l’occasion de ma déposition devant la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou, en qualité d’accusé pour complicité d’attentat à la sûreté de l’État, j’aurais déclaré que « de l’argent collecté auprès d’amis en Côte d’Ivoire et dans la sous-région a été envoyé aux putschistes ».

Je déments formellement cette affirmation, qui ne correspond à aucune de mes déclarations. Si j’ai reconnu avoir reçu, en même temps que mon allié politique René Emile Kaboré, une somme d’argent collectée auprès de nos amis respectifs résidant en Côte d’Ivoire et dans la sous-région, j’ai clairement indiqué que ce concours, provenant de sources exclusivement privées, était destiné à financer les activités des partis membres de notre regroupement, la Coalition pour la République, à un mois des élections législatives au Burkina.

J’ai récusé que ce financement ait été affecté à l’exécution du putsch ou à un quelconque soutien politique en faveur de cette opération. Même s’il ne fait aucun mystère qu’à l’occasion de cette crise, nos partis ont clairement pris position pour une révision profonde de l’organisation de la transition politique au Burkina, dans le cadre d’un dialogue inclusif, sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Ce qui correspond à l’exercice normal de la liberté d’opinion dans une démocratie.

Je n’ai pas besoin d’attirer votre attention sur le fait que la publication d’informations fausses, non vérifiées, concernant un procès qui est en cours est de nature, non seulement à induire vos lecteurs en erreur mais aussi à me causer de graves préjudices. »

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