Finances : le Bénin obtient son premier prêt commercial international

Retour avec Romuald Wadagni, ministre béninois de l’Économie et des Finances, sur l’emprunt de 260 millions d’euros que Cotonou vient de contracter sur les marchés internationaux – une première pour le pays.

Romuald Wadagni, en 2016. © Agenceafrique, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons

Romuald Wadagni, en 2016. © Agenceafrique, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons

Fiacre Vidjingninou

Publié le 19 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Ministre de l’Économie et des Finances depuis le premier gouvernement de Patrice Talon en 2016, Romuald Wadagni est au cœur des réformes destinées à transformer structurellement l’économie béninoise. Homme de confiance du président, il conduit la politique de l’assainissement des finances publiques axée sur une amélioration continue des techniques de collecte des recettes, une recherche de l’investissement privé et une lutte acharnée contre la corruption.

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Résultat : les capacités de mobilisation des ressources du pays augmentent, permettant au gouvernement d’avoir les moyens de faire face à ses charges et surtout au financement gigantesque de son programme d’actions (PAG), soit 9 039 milliards de francs CFA (13,8 milliards d’euros) pour la période 2016-2018. Rencontre.

Jeune Afrique : Le Bénin vient de procéder à son premier emprunt commercial, d’un montant de 260 millions d’euros. À quoi serviront les fonds obtenus ?

Romuald Wadagni : Ce prêt, que nous avons obtenu à des conditions très avantageuses pour le Bénin – une maturité de douze ans et une marge de moins de 3,5 % – sera utilisé pour rembourser des dettes domestiques au coût élevé, plus de 7 %, et à la maturité courte, en moyenne deux ans.

Les économies générées sur le service de la dette serviront à financer les dépenses sociales prioritaires. Notre priorité en la matière est essentiellement axée sur les mesures d’accompagnement pour les cantines scolaires. Nous voulons dépasser les 50 % d’écoles couvertes par cette mesure pour atteindre une couverture confortable à la rentrée 2019-2020. La santé et l’approvisionnement en eau dans les milieux ruraux sont aussi nos priorités.

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Comment avez-vous obtenu ces conditions préférentielles ?

L’emprunt que nous avons souscrit est garanti à 40 % par la Banque mondiale. Compte tenu de la notation AAA de la Banque mondiale, cela nous a permis attirer des fonds privés à un coût exceptionnellement bas.

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En clair, nous avons utilisé des moyens publics mis à notre disposition par des organisations multilatérales pour attirer des investisseurs privés internationaux de premier plan et donc diversifier nos sources de financement. C’est une stratégie dite de crowding in, qui élargit la base d’investisseurs à laquelle le Bénin s’adresse.

Et côté assurance, y a-t-il des aspects innovants ?

L’emprunt est assuré à 60 % par l’Agence pour l’assurance du commerce en Afrique (ATI-ACA), une organisation multilatérale spécialiste de l’assurance-crédit en Afrique.

Il est fréquent que des banques se tournent vers des assureurs pour couvrir le risque de crédit de l’emprunteur – généralement dans un second temps après avoir garanti une traçabilité sur les origines du prêt, mais cette discussion ne fait normalement pas intervenir l’emprunteur et celui-ci n’en tire aucun avantage. Ici, nous avons préempté cette possibilité de couverture : nous avons mis les parties ensemble dès le départ et nous sommes parvenus à rehausser notre qualité de crédit en jouant sur la présence d’assureurs. C’est grâce à la combinaison de la garantie partielle et de cette couverture supplémentaire que les termes sont si favorables au Bénin.

Le recours à ce type d’opération va-t-il devenir la règle pour le financement des projets du gouvernement ?

Cette opération nous a permis de démontrer que nous pouvions financer des projets à un coût réduit dans un contexte où les marchés internationaux étaient quasiment fermés aux pays émergents. Cette alternative sera désormais toujours une option pour le Bénin si les termes sont avantageux ou si le contexte l’exige.

Nous avons par ailleurs pour objectif de continuer à diversifier les financements du pays et d’être toujours plus innovants dans notre approche.

L’augmentation de la dette est un sérieux problème sur le continent. Dans quelle situation se trouve le Bénin sur ce point ?

Nous avons une politique de gestion rigoureuse de la dette. Actuellement, notre taux d’endettement est autour de 50 % du PIB, bien loin du seuil d’alerte de 70 % prôné par le FMI. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter.

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Dans le quartier commercial de Ganhi à Cotonou, au Bénin, en février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

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