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Les projets d’investissement vont de la boulangerie aux nouvelles technologies de l’information, de l’immobilier à l’agroalimentaire…

Publié le 28 février 2005 Lecture : 4 minutes.

Le Maroc est particulièrement choyé. C’est le quatrième pays au monde pour le volume des transferts financiers de sa diaspora, après l’Inde, le Mexique et les Philippines, indiquait la Banque mondiale dans un rapport publié en 2003. Les transferts d’argent des quelque 3 millions de Marocains résidant à l’étranger représentent la principale source de devises du pays, devant les recettes touristiques et les exportations de phosphate. Ces transferts représentent 9 % du PIB. En 2003, ils s’élevaient à 3,4 milliards d’euros, soit trois fois plus qu’en 1980. Cette progression devrait se poursuivre en 2004 : selon les derniers chiffres de l’Office des changes marocain, 3,1 milliards d’euros ont déjà convergé vers le royaume entre janvier et octobre 2004, contre 2,9 milliards sur la même période au cours de l’année précédente.
Il faut dire que la législation marocaine est certainement l’une des plus favorables au monde concernant les transferts de devises. Selon l’Office des changes, « les MRE peuvent importer librement au Maroc des devises sans limitation de montant. L’importation de ces devises sous forme de billets de banque, chèques de voyage, chèques bancaires ou postaux, lettres de crédit, cartes de crédit ainsi que tout autre moyen de paiement libellé en devises n’est soumise à aucune déclaration auprès des services douaniers des frontières. » Seule condition : « Les devises ainsi rapatriées doivent être cédées auprès des banques intermédiaires agréées dans un délai n’excédant pas trente jours à compter de la date d’entrée au Maroc. » Dans la grande majorité des pays, l’importation de devises est soumise à déclaration au-delà d’une certaine somme. Au Maroc, seuls les transferts bancaires – qui représentent l’essentiel des recettes des MRE (2 milliards d’euros en 2003, contre moins de 1 milliard pour les transferts sous forme d’espèces ou par mandats postaux) – le sont.
La clientèle émigrée est très importante pour les banques marocaines : sur les 300 000 milliards de dirhams de dépôts de particuliers, un quart sont des avoirs de MRE. La plupart des banques du royaume ont des antennes à l’étranger. La Société générale marocaine de banques a même ouvert à Paris une agence exclusivement dédiée à cette clientèle : le personnel leur réserve un accueil « spécifique », notamment en langue arabe. Cependant, la structure de référence des MRE reste la Banque populaire, qui dispose de représentations dans pratiquement toutes les ambassades du Maroc. Selon l’un de ses responsables, 70 % des Marocains résidant à l’étranger sont clients de la Banque populaire. Elle concentre 60 % des dépôts des MRE et représente un tiers des transferts effectués chaque année (1,1 milliard d’euros en 2003).
Il existe peu de données sur la répartition et l’utilisation de cet argent. Une partie importante sert à aider directement les familles (ce qui, selon les économistes, permet d’accroître les dépenses de consommation des ménages et de dynamiser la croissance au bénéfice du marché local). Mais les MRE sont de plus en plus nombreux à constituer une épargne en prévision d’un investissement immobilier ou de la réalisation d’un petit projet productif. En juillet, la Fondation Hassan-II pour les Marocains résidant à l’étranger a publié les résultats d’une enquête sur les investisseurs de la diaspora au royaume. Les chercheurs se sont appuyés sur un échantillon de 300 personnes et ont exclu du champ de l’étude les investissements immobiliers. Selon le ministère en charge de la Communauté des MRE, ceux-ci sont en baisse depuis quelques années, mais représentent encore 60 % des montants placés. Parmi les investisseurs sélectionnés, les femmes sont quasi inexistantes (2,5 %). L’investisseur MRE « type » est un homme de 48 ans qui a émigré pour chercher un travail (80 % d’entre eux) et n’a reçu aucune éducation ou n’a pas été scolarisé au-delà du primaire (55 %). Durant son séjour dans le pays d’accueil (vingt ans en moyenne), il a perçu un salaire mensuel de 2 000 euros. Au cours des cinq années ayant précédé l’investissement, il a transféré, en moyenne, 1 650 euros par an sur un compte en banque marocain. La réalisation du projet n’implique pas le retour définitif de l’investisseur, au contraire : deux tiers d’entre eux continuent de résider dans le pays d’accueil. Par ailleurs, seuls 30 % des investisseurs ont recours à un crédit bancaire, et la plupart des projets sont relativement modestes : 40 % d’entre eux sont inférieurs à 50 000 euros. Selon la Fondation Hassan-II, la nouveauté tient surtout à la montée en puissance des jeunes de la troisième génération. Ayant grandi et suivi des études supérieures en Europe, ils décident d’investir dans des projets, souvent de grande envergure, au Maroc. Leur contribution est essentielle, souligne la Fondation, car ils apportent non seulement une technologie et un savoir-faire, mais surtout un état d’esprit nouveau, plus en phase avec le monde économique moderne. Ils participent ainsi de manière décisive à la mise à niveau de l’économie marocaine.

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