[Tribune] La Russie est de retour en Guinée

L’Union soviétique a été parmi les premiers soutiens de la jeune Guinée indépendante, en 1958. Soixante ans après, la Russie est de retour dans la coopération économique, sanitaire et militaire. Alexandre Brégadzé, l’ambassadeur de Russie en Guinée, plaide pour un renforcement de cette coopération renouvelée.

La réouverture par Rusal de l’usine de Fria, fermée depuis 2012, pourrait être remise en cause par les sanctions américaines imposées au principal actionnaire du groupe russe. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

La réouverture par Rusal de l’usine de Fria, fermée depuis 2012, pourrait être remise en cause par les sanctions américaines imposées au principal actionnaire du groupe russe. © Émilie Régnier pour Jeune Afrique

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  • Alexandre Brégadzé

    Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la Fédération de Russie en République de Guinée et en République de Sierra Léone

Publié le 19 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

« Il n’y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires ». Cette fameuse phrase du général Charles de Gaulle est très connue en Afrique et surtout en Guinée. Bien sûr, il faut prendre en considération le contexte de cette phrase, prononcée lors de l’ouverture de la Conférence de Brazzaville, organisée durant la seconde guerre mondiale du 30 janvier au 8 février 1944 par le Comité français de la libération nationale afin de déterminer le rôle et l’avenir de l’Empire colonial français.

Le « Guinexit » a été sans équivoque, selon la volonté du peuple guinéen. Et personne ne pouvait changer sa décision

Mais pourquoi ce même général de Gaulle était si déçu, en 1958, lorsque 95,4% presque 100% – des Guinéens ont voté contre l’entrée de leur pays à la Communauté de l’Afrique occidentale française ? Parce que la conjoncture politique n’était pas la même. Chose promise, chose due. Le « Guinexit » a été sans équivoque, décidé d’une manière résolue, selon la volonté du peuple guinéen. Et personne ne pouvait changer sa décision.

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Personne n’a « donné l’indépendance » aux Guinéens et Guinéennes. « Par son vote du 28 septembre 1958, le Peuple de Guinée a opté pour la liberté et constitué, le 2 octobre 1958, un État souverain : la République de Guinée… », lit-on dans le préambule de la Constitution guinéenne. Et le premier président de la République, Ahmed Sékou Touré, était une sorte de « Che Guevara guinéen ».

Mais le 2 octobre dernier, c’est le soixantième anniversaire de l’indépendance de la Guinée, plutôt que celui de la proclamation de la République de Guinée. Dans notre monde interdépendant, ce mot – indépendance- n’est, à mon avis, pas correct. Nous dépendons tous des uns et des autres. Nous dépendons de l’état de notre planète, du climat qui change, des catastrophes naturelles qui nous frappent, des polluants que nous respirons…

Si, dans les années 1990, la présence russe en Guinée a diminué en raison de la dislocation de l’Union soviétique, la Russie est aujourd’hui de retour

En 1958, les Français ont complètement abandonné la Guinée, alors que la République de Guinée a été reconnue assez rapidement par d’autres pays, y compris par l’Union soviétique. Et si, dans les années 1990, la présence russe en Guinée a beaucoup diminué en raison de la dislocation de l’Union soviétique, la Russie est aujourd’hui de retour. En Guinée, et en Afrique en général.

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On peut beaucoup parler des résultats réels, plutôt controversés, de la période socialiste en Guinée. Le soixantième anniversaire de la République de Guinée est une bonne occasion pour avoir ces débats, scientifiques ou politiques.

Pour ma part, je suis persuadé que l’expérience socialiste de l’Humanité, à travers le monde et en Guinée en particulier, s’inscrit dans le cadre des recherches de l’amélioration des conditions de vie des gens dans tous les pays. Il faut respecter le passé, celui dans lequel vivaient nos parents et grands-parents qui rêvaient d’un avenir meilleur pour lequel ils se sont battus, jusqu’à sacrifier leurs vies.

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Aujourd’hui, la coopération entre la Russie et la Guinée se développe essentiellement dans le domaine économique, avec la société Rusal pour leader, dans la formation des cadres et dans la santé. Il y a peu, les médecins russes présents sur la base du Centre médical russo-guinéen de Kindia ont élaboré une nouvelle version du vaccin contre le virus Ebola. Dans sa forme en poudre, cette version peut être conservée à une température de seulement de -5°C. Nous maintenons également notre coopération militaire.

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La Guinée continue son chemin de développement, montre de bons résultats, surtout macroéconomiques. Le FMI et la Banque mondiale, ainsi que tous ses partenaires économiques internationaux, renouvellent sans cesse leur confiance à la Guinée. C’est un bon signe. Alpha Condé a parcouru un long et difficile parcours politique pour devenir président de la Guinée. Sa vie rassemble en partie à celles du général de Gaulle, de Sékou Touré ou de Mandela… Soyons solidaires avec la Guinée et avec tout le continent africain, plein de potentiels énormes. Et que cette solidarité nous aide à construire le meilleur avenir possible, pour nous-mêmes et pour les générations futures.

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