Un casse-tête africain

Qui pour organiser la transition ? Comment garantir la transparence des élections ? Dans quels délais ? Les incertitudes sont légion…

Publié le 28 février 2005 Lecture : 3 minutes.

L’Union africaine (UA) n’a pas faibli face au pouvoir en place à Lomé. Le 25 février, son Conseil de paix et de sécurité (CPS) a accentué la pression sur Faure Gnassingbé, le président investi le 7 février après le décès de son père, ainsi que sur son entourage. L’UA a rejoint la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans les sanctions qu’elle a prises le 19 février : suspension de toute participation à l’UA, interdiction de voyager, rappel des ambassadeurs en poste à Lomé et embargo sur les armes. La réunion du CPS a été décalée de vingt-quatre heures pour tenir compte des fruits des visites de Faure Gnassingbé, le 24 février, à Libreville auprès d’Omar Bongo Ondimba, puis à Syrte pour rencontrer Mouammar Kadhafi. À l’un comme à l’autre, il a exposé un « plan de sortie de crise ».

Le CPS a statué le jour même où les autorités togolaises entérinaient leur plan : désignation par le Rassemblement du peuple togolais (RPT, au pouvoir) réuni en congrès extraordinaire de Faure Gnassingbé comme son candidat à la prochaine présidentielle ; démission de ce dernier de ses fonctions de président de la République pour se préparer à la campagne électorale ; élection d’Abbas Banfo (membre du RPT et premier vice-président de l’Assemblée nationale) au perchoir pour conduire la transition.
Un plan qui pourrait être rendu caduc par le retour inattendu de Fambaré Natchaba Ouattara, président de l’Assemblée nationale au moment du décès de Gnassingbé Eyadéma, en exil depuis lors à Cotonou, désigné par la Loi fondamentale pour diriger la transition, qui a demandé aux chefs d’État africains de le restaurer dans ses prérogatives constitutionnelles. De source diplomatique, on assure pourtant qu’il y avait renoncé et l’avait fait savoir à une délégation composée de Kpatcha Gnassingbé, frère de Faure, et du juriste français Charles Debbasch dépêchée dans la capitale béninoise.
La volte-face de Natchaba complique davantage la situation. Après la fermeté adoptée par les chefs d’État de la Cedeao, les positions ont commencé à diverger au point de diviser les responsables aujourd’hui impliqués dans le dossier togolais. D’un côté, les pragmatiques (Compaoré, Kufuor, Bongo Ondimba…) ; de l’autre, les « légalistes », attachés au retour pur et simple à la succession constitutionnelle et incarnés par Olusegun Obasanjo, le numéro un nigérian et président en exercice de l’UA, Abdoulaye Wade, son homologue sénégalais, et Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’UA. Pour Obasanjo, il s’agit d’affirmer son leadership en Afrique de l’Ouest, d’autant qu’il ne peut se permettre un nouveau revers au Togo après avoir pris du recul dans le règlement de la crise en Côte d’Ivoire, confié à Thabo Mbeki.
De passage à Abuja dans la matinée du 17 février, Faure Gnassingbé a reçu une recommandation de son hôte : « Pour plus d’efficacité et de cohérence, prévenez la Cedeao avant de rendre publique toute initiative de sortie de crise. » Il n’en fit rien et a convoqué l’Assemblée nationale le 21 février pour revenir sur la modification des articles 65 et 144 de la Constitution sans l’en informer au préalable. Au-delà des divergences, calculs et autres anicroches, des problèmes de fond demeurent, même après la « démission » programmée de Faure Gnassingbé. Parmi lesquels ce qu’on pourrait appeler « le cas Olympio ». La Cedeao et l’UA exigent que la candidature du leader de l’UFC soit acceptée. Or Olympio est aujourd’hui frappé d’inéligibilité par la Constitution, qui exige de tout candidat qu’il ait résidé dans le pays douze mois entiers avant le scrutin.

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Comme pour ajouter à la confusion, le frais émoulu candidat du RPT, qui ne souhaite pas le retour de Natchaba au perchoir, a tenu à exprimer cette mise en garde : « L’armée est formelle. S’il y a la moindre tentative de modification de la Constitution pour permettre à l’opposant Gilchrist Olympio de se présenter, elle prend le pouvoir. »
Comment organiser la transition ? Dans quels délais ? De quelle manière arriver à des élections pacifiques et transparentes ? Comment l’UA et la Cedeao géreront-elles leurs dissensions internes ? Comment régler la question de l’armée togolaise ? Les sources d’inquiétude ne manquent pas… (Voir aussi pages 30-33.)

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