Affaire Khashoggi : le silence assourdissant des pays arabes

À contre-courant de la vague d’indignation suscitée en Occident par la mort, confirmée par Riyad samedi 20 octobre, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, les pays arabes n’ont pas officiellement réagi. La plupart d’entre eux semblent ne pas vouloir prendre le risque de défier leur partenaire saoudien…

Le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où le journaliste Jamal Khashoggi a été tué. © Lefteris Pitarakis/AP/SIPA

Le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où le journaliste Jamal Khashoggi a été tué. © Lefteris Pitarakis/AP/SIPA

Arianna Poletti

Publié le 20 octobre 2018 Lecture : 4 minutes.

Le prince héritier, Mohamed Ben Salman, lors d’une réunion du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le 27 avril 2017 à Riyad. © Uncredited/AP/SIPA
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Affaire Khashoggi : l’onde de choc

États-Unis poussés à sortir de leur réserve vis-à-vis d’un allié historique, silence assourdissant des pays arabes, le prince héritier Mohamed Ben Salman fragilisé, l’Europe qui cherche en vain à parler d’une seule voix… Le scandale de la mort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi bouleverse les équilibres géopolitiques au Moyen-Orient.

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« Ce dont le monde arabe a besoin, c’est de liberté d’expression. » C’est le titre de la dernière tribune du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, parue dans le Washington Post. « J’ai récemment consulté sur Internet le rapport intitulé “Liberté dans le monde”, publié en 2018 par Freedom House, ce qui m’a amené à un triste constat. Un seul État du monde arabe figure dans la catégorie “libre”. Il s’agit de la Tunisie. La Jordanie, le Maroc et le Koweït sont qualifiés de “partiellement libres”. Les autres sont parmi les“non libres” », y écrit l’éditorialiste.

Les mots de Jamal Khashoggi prennent une connotation particulière, un peu plus de deux semaines après sa disparition à Istanbul, alors que la justice saoudienne confirmait, le 19 octobre au soir, qu’il avait bien trouvé la mort dans son consulat d’Istanbul.

Dans le monde arabo-musulman, l’affaire Khashoggi ne fait pas la « une » des médias. Si le quotidien saoudien al-Arabiya et la chaîne qatari al-Jazeera se livrent à un véritable duel sur ce dossier, les autres médias ne s’exposent guère, se contentant de relayer a minima les informations factuelles et révélations plus ou moins vérifiées qui circulent sans interruption dans les médias du monde entier.

Un soutien inconditionnel à Riyad

Jusque-là, la plupart des pays arabes n’ont pas officiellement condamné, ni même critiqué, la disparition inquiétante de l’ancien rédacteur en chef du quotidien saoudien al-Watan, dont Riyad admet désormais qu’il a bien trouvé la mort dans l’enceinte du consulat d’Istanbul, officiellement suite à « une rixe » qui aurait mal tourné.

Selon Hasni Abidi, politologue algéro-suisse spécialiste du monde arabe, il y a deux raisons à cela : « La première, c’est que presque tous les pays arabes, hormis le Qatar, entretiennent des relations bilatérales privilégiées avec l’Arabie saoudite. Toute prise de position critique risquerait d’être interprétée comme un signe d’animosité de leur part. C’est pourquoi ils font preuve d’une grande retenue. »

Bien s’informer, mieux décider

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