Liban : pourquoi la France s’aligne sur les États-Unis

Publié le 28 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Depuis 1967 et sous l’impulsion du général de Gaulle, la France s’est toujours démarquée de la politique américaine au Moyen-Orient. Mais de manière très curieuse et a priori incompréhensible, la France a coparrainé la résolution 1559 du Conseil de sécurité du 2 septembre 2004 sur le Liban. Il s’agit d’une résolution déséquilibrée, susceptible de produire un effet inverse à celui escompté, essentiellement dirigée contre la Syrie qui se trouve dans le collimateur des États-Unis depuis la chute de Bagdad en avril 2003. La résolution ignore sciemment un certain nombre de textes et d’événements, outre le fait qu’elle perpétue la politique du double standard suivie depuis 1990 par le Conseil de sécurité. Tout d’abord, la résolution 1559 ne dit mot sur les accords de Taëf du 22 octobre 1989 (approuvés par une déclaration du Conseil de sécurité) qui ont donné un fondement juridique à la présence syrienne. Elle ignore ensuite le traité de coopération libano-syrien du 22 mai 1991. Elle comporte surtout une immixtion dans les affaires intérieures libanaises en se déclarant favorable à une élection présidentielle au Liban en dehors de toute interférence étrangère. Elle demande enfin le retrait de toutes les forces étrangères qui se trouvent encore au Liban et la dissolution des milices. Les forces étrangères dont il s’agit ne sont autres que les troupes syriennes et les milices ne sont en réalité que les troupes de la résistance du Hezbollah. Dans la résolution, aucune allusion n’est faite à l’autre présence militaire au Liban, à savoir celle des troupes israéliennes dans les fermes de Chebaa et des milices armées et entretenues par l’État hébreu.
Très contestée au Liban et dans le monde arabe, la résolution 1559 a été propulsée de nouveau sur le devant de la scène internationale à la suite de l’attentat qui a coûté la vie à l’ex-Premier ministre Rafic Hariri. Très vite, les accusations américaines, mais aussi françaises se sont portées, sans preuve aucune, contre la Syrie. La campagne américaine menée contre Damas s’est trouvée confortée par un apport français inespéré pour le président George W. Bush.
Le président Chirac qui, depuis 1995, a réajusté la politique arabe de la France en s’opposant à la guerre contre l’Irak en 2003 et en réservant au président Arafat une cérémonie d’adieu officielle, s’est précipité à Beyrouth dès l’annonce du décès de Rafic Hariri (ce qui est tout à fait louable), sans prendre la peine d’avertir les autorités libanaises, à ses yeux à la solde de la Syrie.
L’attitude de la France et de son président à propos du Liban ne manque pas de laisser perplexe et de provoquer un certain nombre d’interrogations sur cette politique peu respectueuse de la souveraineté libanaise et curieusement alignée sur une politique américaine volontairement arrogante et provocatrice. Le voyage du président Chirac à Beyrouth, quelques jours avant la tournée européenne de George W. Bush, outre le fait qu’il attise les oppositions au Liban, ne peut se comprendre que si on l’inscrit dans une démarche française visant à regagner la confiance des États-Unis. Mais en procédant ainsi, la France ne s’adonne-t-elle pas à une politique dangereuse et déstabilisatrice pour le Liban ?
L’attitude française semble indiquer que Paris fait tout pour plaire aux Américains sur le dos d’un Liban meurtri qui n’a pas encore retrouvé son plein équilibre après la guerre civile qui l’a déchiré de 1975 à 1990.
La France met la souveraineté et la continuité du Liban en péril et n’apporte ainsi aucune contribution à la solution des drames que connaît, et que connaîtra encore, la région, du fait de l’aveuglement américain et de l’arrogance israélienne. Personne n’ignore que la stabilisation du Liban passe avant tout par le règlement juste et définitif de la tragédie palestinienne.

* Rafâa Ben Achour est professeur de droit public à l’université de Tunis.

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