Machine à voter en RDC : l’UDPS de Félix Tshisekedi fait-elle désormais bande à part ?

Les récents propos de responsables de l’UDPS laissent entendre que le principal parti de l’opposition serait désormais prêt à prendre part aux élections du 23 décembre, malgré le maintien de la controversée machine à voter. Qu’en est-il vraiment ?

Félix Tshisekedi, à Bruxelles, le 10 février 2017. © Colin Delfosse pour J.A.

Félix Tshisekedi, à Bruxelles, le 10 février 2017. © Colin Delfosse pour J.A.

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Publié le 22 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Pour l’instant, Félix Tshisekedi ne pipe mot. La polémique ne cesse pourtant d’enfler à Kinshasa depuis la récente sortie médiatique de certains de ses lieutenants sur le recours à la machine à voter pour les élections à venir en RDC, le 23 décembre. Jusqu’ici, l’opposition a toujours appelé à l’abandon de cet engin. Mais il n’est plus certain que cette position soit entièrement partagée au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).

« Nous nous devons de dire la vérité au peuple : en réalité, la machine à voter ne constitue qu’un prétexte pour ne pas aller aux élections », affirme à Jeune Afrique Peter Kazadi, le directeur de cabinet adjoint du leader de l’UDPS, en charge des questions politiques, juridiques et administratives. C’est lui qui a lancé le débat sur les réseaux sociaux, en laissant entendre, sur son compte Twitter, que l’UDPS pourrait finalement aller aux élections « avec ou sans la machine à voter ».

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Peter Kazadi s’en explique : « Selon nos renseignements, Corneille Nangaa [le président de la Commission électorale nationale indépendante – Ceni, ndlr] ne sera pas en mesure de déployer les 100.000 machines à voter nécessaires pour le scrutin du 23 décembre, pourtant il continue à utiliser le maintien de ces engins comme un prétexte pour pousser l’opposition au boycott, et ainsi maintenir au pouvoir Joseph Kabila à l’issue d’autres conciliabules. »

Les candidats invalidés cherchent à hypothéquer l’avenir démocratique du pays », selon Peter Kazadi

Ce proche de Félix Tshisekedi n’épargne pas non plus « certains amis de l’opposition », écartés « légalement ou illégalement » de la course. « Ils cherchent à hypothéquer l’avenir démocratique du pays jusqu’à ce qu’ils soient de nouveau en mesure de participer à la présidentielle », dénonce-t-il. Trois leaders exclus du scrutin – l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, l’ex-vice-président de la République, Jean-Pierre Bemba, et l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito – forment pourtant, depuis quelques semaines, une coalition avec quatre autres candidats encore en lice (Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, Freddy Matungulu et Martin Fayulu).

La (nouvelle) position de l’UDPS

« Pour nous, à l’UDPS, quel que soit le mode de vote qui sera utilisé, nous estimons que nous devons aller aux élections. Appeler au boycott, c’est faire le jeu de Kabila, tranche Peter Kazadi. Ce qui importe aujourd’hui, c’est notre capacité à surveiller ce processus électoral. Lors des deux derniers cycles électoraux, en 2006 et 2011, l’opposition n’avait pas suffisamment déployé de témoins et le régime en avait profité pour tricher. Nous devons en tirer les leçons. »

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Autrement dit, l’UDPS ne rejette plus de manière systématique la machine à voter. « Mais notre position n’a pas évolué », tente de nuancer Abraham Luakabuanga, l’un des secrétaires nationaux du parti, en charge de la communication. « Notre parti ira aux élections avec la machine à voter si la Ceni répond à toutes les recommandations émises tant par les experts britanniques que par l’Organisation internationale de la Francophonie », poursuit cet ancien porte-parole de Félix Tshisekedi.

Mi-septembre, la Westminster foundation For Democracy (WFD) avait, entre autres, demandé, à l’issue de son examen des machines à voter, que les communications externes, la carte SIM et le réseau wifi incorporés à ces engins soient déconnectés et que 660 bulletins de vote au maximum soient imprimés par chaque machine pour « éviter un excès de votes ».

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« Félix Tshisekedi bashing »

Sur les réseaux sociaux, le réajustement de la position de l’UDPS intrigue. Certains soupçonnent un arrangement que son chef, Félix Tshisekedi, aurait passé avec le régime de Joseph Kabila ; d’autres parlent d’une « trahison ». Mais la rupture n’est pas encore consommée. Olivier Kamitatu, le porte-parole de Moïse Katumbi, l’a rappelé le lundi 22 octobre sur Twitter, appelant les uns et les autres à mettre fin au « Félix Tshisekedi bashing ».

« Pourquoi beaucoup s’agitent-ils ? Jusque-là, Félix Tshisekedi, président de l’UDPS, ne s’est pas encore ouvertement exprimé sur le sujet et appelle toujours à l’unité de l’opposition », complète un autre proche de Katumbi. Visiblement, les alliés veulent jouer l’apaisement. Mais pour combien de temps ?

Une réunion devrait rassembler les sept leaders de l’opposition à partir du 23 octobre à Johannesburg. D’après nos informations, Moïse Katumbi, qui a prévu d’aller rendre un dernier hommage à son prédécesseur au poste de gouverneur du Katanga, décédé en Afrique du Sud, fera le déplacement. Mais la présence de Félix Tshisekedi n’est pas garantie. D’autant que ses lieutenants dénoncent déjà une rencontre « manipulée » autour du choix du candidat commun de l’opposition.

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