Tunisie : le retour en force de l’homme d’affaires Slim Riahi
Absent de la scène politique pendant huit mois, celui qui a cumulé à la fois la présidence de l’Union patriotique libre (UPL) et celle du prestigieux Club africain (CA), a dû démissionner de ces deux postes suite à des démêlés avec la justice. Acquitté dans plusieurs affaires, il fait son retour sur la scène politique.
Celui que l’on surnomme « le Berlusconi tunisien » pour sa propension à mélanger politique, business et sport, candidat à la présidentielle de 2014, est de retour. L’Union patriotique libre (UPL), son parti, a annoncé mercredi 17 octobre sa dissolution au sein de Nidaa Tounes.
Mais s’il est de retour sur la scène politique, après environ un an d’absence, le sulfureux milliardaire, désormais secrétaire général de Nidaa Tounes, n’en a pas encore terminé avec ses démêlés judiciaires.
Le journal Maghreb Confidentiel, dans son édition du 17 octobre, révèle ainsi que l’Amen Bank prépare une vente judiciaire de la société « Lac Immobilier » de Slim Riahi. La mise aux enchères est prévue le 29 octobre, affirme le journal. Une révélation à laquelle Slim Riahi a promis de répondre lors d’une conférence de presse. Il affirme souhaiter faire la lumière sur plusieurs « affaires de chantage et de pressions » dont il se dit la victime.
>>> À LIRE – Tunisie : Slim Riahi démissionne de la présidence de l’UPL
Série d’affaires judiciaires
Slim Riahi n’en est pas à sa première péripétie judiciaire. Depuis 2012, il fait l’objet d’une enquête pour « blanchiment d’argent » et suspicion de corruption.
L’homme est sous le coup d’une plainte déposée par le comité des finances de la Banque centrale. Celle-ci s’interroge sur les origines de la fortune de ce fils d’avocat, opposant à Bourguiba et exilé en Libye. Si Slim Riahi affirme l’avoir hérité de son père qui a fait fortune dans le pétrole, certains affirment qu’ils auraient spolié les Kadhafi, lors de leur chute.
L’instruction a d’ailleurs mené au gel des avoirs du nouveau secrétaire général de Nidaa Tounes par la justice, depuis le 28 juin 2017.
Il avait notamment été interdit de voyage, du 20 septembre 2017 au 24 juillet 2018, le juge d’instruction auprès du pôle judiciaire financier avait estimé cette mesure nécessaire pour s’assurer qu’il ne quitterait pas le territoire avant la clôture des poursuites dont il fait l’objet.
Après le gel de ses avoirs, des chèques auraient été présentés pour être encaissés au nom de Slim Riahi, l’empêtrant dans plusieurs affaires de chèques sans provision.
Le 9 octobre 2017, il avait été condamné par contumace à cinq ans de prison pour « chèques en bois ». Une décision de justice finalement annulée le 17 octobre de la même année, suite à la présentation des preuves des paiements.
En octobre 2018, Slim Riahi est totalement acquitté
Acquitté
Mais ce n’est qu’au lendemain de la fusion de son parti l’Union patriotique libre (UPL), le 15 octobre 2018, que Slim Riahi, poursuivi dans quatorze autres affaires de chèques sans provision, a été totalement acquitté.
Une partie de l’opinion publique voit dans cette annulation post-fusion une preuve d’intervention politique.
Le porte-parole du tribunal de première instance de Tunis a indiqué que le jugement avait été rendu en faveur de l’homme d’affaires après que celui-ci se soit présenté devant le tribunal muni des preuves attestant du remboursement des dettes.
Je n’aurais jamais osé réintégrer la politique sans être sûr de mon innocence
Come-back
Près de huit mois après la présentation de sa démission pour se consacrer à sa défense – qui a été refusée par le bureau politique du parti -, Slim Riahi a décidé de faire son retour sur la scène politique le 26 août dernier. Sans un statut publié sur sa page Facebook, il a affirmé avoir réussi à prouver son innocence dans l’affaire du blanchiment d’argent, même s’il affirme ne pas avoir encore clos tous les dossiers en cours.
« Je n’aurais jamais osé réintégrer la politique sans être sûr de mon innocence. D’ailleurs, je lutte, encore, pour clôturer définitivement ce dossier », indique Slim Riahi.
Revirement politique
Depuis son retour, la stratégie de l’UPL a été plus qu’offensive. Pendant son absence, 12 députés de l’UPL avaient rejoint la Coalition nationale, un nouveau groupe parlementaire, proche du chef du gouvernement, Youssef Chahed.
>>> À LIRE – Tunisie : la Coalition nationale, le groupe pro-Chahed qui bouleverse l’équilibre parlementaire
Une union qui n’a pas fait long feux : lors d’un entretien entre le locataire de la Kasbah et Slim Riahi, jeudi 11 octobre, celui-ci lui a demandé de confier le département de la Justice à son parti. Une demande à laquelle le chef du gouvernement n’a pas souhaité répondre. C’est après cette rencontre que tout s’accélère. En effet, celui qui avait déclaré dès juin 2017,lors d’une interview à Nessma TV, que « Youssef Chahed [était] fini politiquement », n’y est pas allé de main morte.
Samedi 13 octobre, lors du congrès de l’UPL à Sousse, Slim Riahi en profite pour prouver à Youssef Chahed que son refus ne sera pas sans conséquence. L’ex-président du Club africain a appelé à un remaniement ministériel et au départ du chef de l’exécutif. Dimanche 14 octobre, l’homme d’affaires a annoncé sur sa page Facebook la fusion de son parti avec celui de Hafedh Caïd Essebsi, en guerre froide avec Youssef Chahed.
Les députés anciennement membres de la Coalition nationale ont ainsi rejoint le groupe parlementaire de Nidaa Tounes. De deuxième force de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), la Coalition nationale, qui comptait jusqu’à maintenant 51 députés, est rétrogradée à la troisième position. Le milliardaire a déclaré que ce nouveau groupe parlementaire visait à déboucher sur la création d’un parti et opérer un « coup d’État en douceur ». Un projet auquel il refuse de participer.
Slim Riahi pourrait aller encore plus loin. Lui qui a été à l’origine de la fameuse rencontre entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi à Paris ayant abouti au départ de la Troïka et aux élections de 2014, serait en train de tenter de réconcilier les deux ténors
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