Foire aux paroles
De quoi demain sera-t-il fait ? Telle est l’embarrassante question qui a servi de prétexte cette année aux organisateurs du Salon international du livre de Tanger. Le Silt n’est pas une foire aux livres. Bien sûr, une petite poignée d’éditeurs tiennent des stands, même si, hélas ! ils sont bien maigrement fournis. Le Silt n’est donc pas un supermarché du livre, ce que d’aucuns déplorent, mais au moins, au Silt on parle, on échange des idées et on change d’idées quand on en a l’audace et l’honnêteté. Autant de qualités que l’on a cru subodorer chez Guy Sitbon à l’issue du « match » disputé contre notre collaborateur Hamid Barrada au lendemain de l’inauguration de la neuvième édition du salon. La conversation des deux hommes, qui ont déjà co-commis Le Juif et l’Arabe aux éditions Plon, ne devrait se suspendre momentanément que pour laisser à d’autres l’occasion d’exprimer leurs sentiments. Et c’est exactement ce qui s’est passé dans l’amphithéâtre comble et comblé qui a abrité leur vivifiante rencontre face à un auditoire ravi que ce Juif et cet Arabe, aux analyses si lointaines, aient signé un seul et unique livre pour y dire leurs divergences. Et on aimerait croire que cet ouvrage « écrit ensemble » et la conversation interrompue qu’il a déclenchée sont déjà de bon augure pour ce demain qui nous inquiète.
De quoi demain sera-t-il fait ? « Il sera fait de ce que nous en faisons », rétorque Robert Solé, l’un des participants à la rencontre « création littéraire », interviewé presque à brûle-pourpoint. Puis le romancier et médiateur du Monde, qui n’est pas homme à se contenter d’une boutade poursuit : « Tout s’accélère, il n’y a plus de prévision possible », avant de donner une ultime réponse qui prend forcément la forme d’une autre éternelle interrogation : « Serons-nous capables de vivre ensemble ? ». Voilà la véritable question, conclut ce Cairote de naissance.
Pour Abderrahim Lamchichi, politologue marocain intervenant à la table ronde « Réflexion sur un islam du xxie siècle », « demain sera fait de plus de métissages et de brassages potentiellement porteurs d’espérance de dialogues, mais aussi d’incertitudes, d’angoisses et de conflits. » Ces trois derniers mots, pas vraiment inattendus, n’en jettent pas moins un froid. Des anges passent, puis du silence jaillit une voix qui fredonne : « Tomorrow is another day ! » Mais était-ce celle de Choukri, Bowles ou Genet, dont les esprits hantent encore Tanger ? Décidément, le Silt ne pouvait pas rêver meilleur port d’attache que Tanger, où le réel et le romanesque sont, l’un autant que l’autre, si outrageusement tangibles. Mais pourquoi diantre est-ce dans ce si chic Hôtel Minzah, dont la majorité des Marocains n’osera jamais franchir les portes, que l’on organise tous les soirs, à 21 heures, des conférences d’où fusent parfois d’impertinentes saillies ?
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