Et Jean Malaurie vint

Publié le 28 février 2005 Lecture : 2 minutes.

En octobre 1954, le géographe français Jean Malaurie débarque dans les locaux des éditions Plon, avec, sous le bras, un texte sur les Inuits, peuple du Groenland pour lequel il s’est pris de passion. Comment pourrait-il imaginer que son livre, Les Derniers Rois de Thulé, qui sortira début 1955, sera le premier d’une série promise à un avenir exceptionnel ?
Cinquante ans plus tard, quatre-vingt-cinq couvertures exposées sur les murs de la Bibliothèque nationale de France* retracent l’histoire de « Terre humaine », collection à la croisée de la littérature et des sciences humaines qui a profondément renouvelé le récit ethnographique et le témoignage documentaire. Car Jean Malaurie, à rebours de la démarche scientifique alors en vogue, croit à « l’observation participante », dont il a emprunté le principe à l’ethnologue Bronislaw Malinowski.
Traduits aujourd’hui en 23 langues, Les Derniers Rois de Thulé sont rapidement suivis par Tristes Tropiques, de Claude Lévi-Strauss. Cette thèse sur les Indiens d’Amazonie aménagée en récit de voyage philosophique inspirera des générations d’étudiants.
Le secret de Malaurie, c’est de prendre ses distances avec les idéologies, mais aussi de savoir susciter des vocations d’auteur et de participer à l’accouchement. Il ne faudra pas moins de six ans à Pierre-Jakez Hélias pour mener à son terme Le Cheval d’orgueil. Mais le résultat en vaudra la peine. Les Mémoires de ce paysan breton se vendront à 1 million d’exemplaires.
La collection, comme l’indique l’exemple précédent, n’est pas réservée aux scientifiques chevronnés ou aux auteurs célèbres. À côté d’oeuvres de Georges Balandier (Afrique ambiguë, 1957), de Wilfred Thesiger (Les Arabes des marais, 1983), de René Dumont (Pour l’Afrique, j’accuse, 1986) ou encore de Jacques Lacarrière (L’Été grec, 1976) prennent place les témoignages d’un serrurier, d’un mineur de fond, d’un capitaine de pêche et de quantité de sans-grade représentatifs des milieux et des aires culturelles les plus diverses. Tous ces livres ont un point commun : ils sont écrits à la première personne. Mais ce sont aussi les uns et les autres des témoignages en faveur de peuples ou de sociétés menacés de disparition par la mondialisation.
Outre l’exposition à la BNF, plusieurs ouvrages célèbrent le cinquantième anniversaire de cette collection d’exception, dont 11 millions d’exemplaires ont été vendus à ce jour. Terre humaine, une anthologie, réunie et présentée par Pierre Chalmin (éd. Pocket, 344 pages, 10 euros), est sans doute le plus accessible.

* Louons maintenant les grands hommes, exposition à la Bibliothèque nationale de France du 15 février au 30 avril 2005.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires