Un inconnu à la primature

La nomination du recteur de l’université de Bangui, Faustin-Archange Touadéra, à la tête du gouvernement sème le trouble au sein de la classe politique du pays.

Publié le 28 janvier 2008 Lecture : 2 minutes.

C’est un « illustre inconnu » que le président François Bozizé a nommé le 22 janvier au poste de Premier ministre. Professeur de mathématiques à la faculté de Bangui, Faustin-Archange Touadéra, 51 ans, était le recteur de l’université de Bangui depuis 2004. Sans étiquette politique, il n’a jamais occupé de fonctions ministérielles. Originaire de la capitale, issu de l’ethnie Ngaka, il a poursuivi ses études supérieures en Côte d’Ivoire, en France (Lille) puis au Cameroun, obtenant un doctorat d’État de mathématiques pures à l’université de Yaoundé. Après vingt années passées dans l’enseignement supérieur, on ne lui connaît pas d’engagement particulier dans la sphère publique. Personnage sans relief apparent, sa discrétion suscite déjà les critiques de l’opposition, qui qualifie son caractère de « taciturne, à la limite du pathologique ».
Reste à savoir quelle sera sa marge de manuvre. Son arrivée aux affaires intervient en pleine crise sociale, marquée par des mouvements de grève dans l’administration et l’enseignement après le débrayage des fonctionnaires lancé au début de l’année. Il est vrai que Bangui fait face à une grave crise financière et ne parvient pas à payer régulièrement ses 24 000 fonctionnaires. Ces derniers, qui viennent de percevoir leur salaire de juin 2007, ont cessé le travail le 2 janvier pour réclamer le paiement des arriérés. Depuis, les concerts de casseroles succèdent aux « journées ville morte ». Hormis les sept mois d’arriérés de salaires accumulés depuis l’arrivée au pouvoir de François Bozizé en mars 2003, les agents de l’État attendent toujours le versement de 24 à 36 mois de traitement qui remontent parfois aux années 1980.
Issu du corps enseignant, le nouveau Premier ministre connaît bien les problèmes des fonctionnaires centrafricains. Mais les caisses étant vides, il ne dispose pas des moyens pour juguler le mouvement syndical. Autre inconnue, la poursuite des réformes entreprises par la précédente équipe, victime d’une motion de censure déposée par le groupe parlementaire Convergence nationale « Kwa na kwa », proche du chef de l’État. Dans la perspective d’assainir les finances publiques, le gouvernement avait pourtant entrepris d’augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de recenser les fonctionnaires et de réformer le système douanier. Qu’adviendra-t-il de ces chantiers ?
Enfin, sa nomination intervient alors que le régime veut relancer le dialogue avec ses adversaires. Confronté aux revendications de l’opposition, des mouvements rebelles et de la société civile, le chef de l’État a décidé d’organiser un « dialogue politique inclusif » auquel doivent participer les partis politiques et les groupes armés opposés à son régime. Pour l’heure, seul le comité préparatoire a été mis en place. C’est pourquoi certains membres de l’opposition jugent ce changement de Premier ministre plutôt incongru. Pour Martin Ziguélé, président du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), il était inopportun de procéder maintenant au remplacement d’Élie Doté : « Il aurait mieux valu attendre la tenue du dialogue national, à l’issue duquel une personnalité de consensus aurait pu être désignée pour prendre la tête du gouvernement. La nomination de Touadéra ne peut être interprétée comme un signe d’ouverture. »

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