[Chronique] Niger : indemnisation pour eau empoisonnée
Au Niger, des centaines d’enfants contaminés au fluor et atteints de diverses malformations devraient être indemnisés. Mais quand ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 25 octobre 2018 Lecture : 2 minutes.
Tout est une question de dosage. Les enfants entendent, à longueur d’année, que le fluor de leur dentifrice est le meilleur allié contre les caries. Mais ce même fluor peut devenir un poison, lorsqu’il apparaît à une forte teneur dans de l’eau de boisson.
En 2001, le Centre de santé de la ville nigérienne de Tibiri dénombrait 4 918 garçons et filles, âgés de 15 mois à 15 ans, atteints de diverses malformations : jambes et dos arqués, têtes volumineuses, os fragilisés, dents rougeâtres et friables.
>>> À LIRE – Infographie : cinq choses à savoir sur la santé en Afrique
Le scandale des « enfants de Tibiri »
Des études médicales démontrèrent que ces états de santé défaillants étaient liés au taux excessif de fluor dans l’eau distribuée par la Société nigérienne des eaux (SNE), sur la période allant de 1985 à 2000. À l’époque, des médecins alertèrent l’Association nigérienne pour la défense des droits de l’Homme (ANDDH) qui révéla au grand jour ce scandale dit des « enfants de Tibiri ».
En 2002, c’est la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) qui diligentait une autre étude qui confirmait « une teneur en fluorures supérieure à 3mg/litre et grimpant parfois à 6,4 mg/litre », une teneur largement supérieure à la norme de 1,5 mg/litre prescrite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La justice nigérienne avait imposé au gouvernement une indemnisation pour « dédommagement des enfants de Tibiri victimes il y a 20 ans d’une eau polluée »
2 milliards de F CFA
La SNE avait été accusée d’être consciente des conséquences médicales de la composition de cette eau pourtant présentée comme « potable ». La notion d’empoisonnement conscient a donc conduit la justice nigérienne, en 2015, à imposer au gouvernement une indemnisation pour « dédommagement des enfants de Tibiri victimes il y a 20 ans d’une eau polluée ».
La décision est récemment devenue définitive. Il y a quelques jours, interpellé à l’Assemblée nationale, le ministre nigérien des Finances, Hassoumi Massaoudou, affirmait que son équipe gouvernementale débloquerait effectivement 2 milliards de francs CFA (3 millions d’euros) pour se plier à la décision judiciaire, évoquant même qu’il n’y avait pas « de problème de ressources pour payer ces jeunes gens ».
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des Niger, pour peu que les autorités donnent un délai pour le versement de ces indemnisations. La société civile et les opposants politiques restent donc mobilisés sur le cas de Tibiri, en ce qui concerne ce délai, mais aussi en ce qui concerne la teneur en fluor d’une eau fournie, cette fois, par des forages privés suspects.
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