Côte d’Ivoire : confusion autour des ralliements d’élus indépendants au RHDP
Entre soupçons de corruption, démentis et mises au point, la confusion règne autour des élus indépendants ayant rallié le RHDP, la mouvance présidentielle, à l’issue des élections locales du 13 octobre.
C’était une pratique courante, voire banale, dans le jeu politique ivoirien depuis 2001, date des premières grandes élections locales ouvertes. Cette année 2018, les ralliements de candidats indépendants à des mouvements et partis politiques font débat, jusqu’à provoquer la confusion dans l’opinion publique.
Trois conseils régionaux et 56 communes ont été raflés par les candidats indépendants, à l’issue des élections locales du 13 octobre dernier. Les résultats officiels, publiés par la Commission électorale indépendante (CEI), donnaient en effet une large victoire au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, mouvance présidentielle dirigée par le président Alassane Ouattara), avec 18 conseils régionaux sur 30 et 92 mairies sur 200. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI d’Henri Konan Bédié) et le Front populaire ivoirien (FPI de Pascal Affi N’Guessan) obtenaient respectivement 6 conseils régionaux et 50 mairies, et un conseil régional et 2 mairies.
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Rumeurs de corruption
Depuis, certains élus indépendants ont rallié la coalition au pouvoir, de quoi faire naître des soupçons de corruption. « Il n’y a pas eu de deal d’argent. Il n’y a pas eu de promesses. Nous n’avons pas distribué des enveloppes, encore moins 100 millions (de) F CFA par candidat », a ainsi assuré le 24 octobre Albert Toikeusse Mabri, ministre et vice-président du RHDP, à l’occasion de la cérémonie de ralliement de 26 élus indépendants (dont 21 étaient présents) à la mouvance présidentielle. Une mise au point qui n’a pas suffi à faire taire les rumeurs.
Au moins l’un d’entre eux m’a assuré de rembourser dix millions de F CFA au titre de ma campagne électorale
Dans les coulisses, certains élus indépendants évoquent des pressions. « J’ai été d’abord reçu par le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani [président du mouvement « Sur les traces d’Houphouët-Boigny », ndlr], puis par le ministre Amadou Soumahoro [vice-président du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), ndlr], indique sous couvert d’anonymat un élu indépendant du nord-est du pays, proche d’un leader politique qui a financé sa campagne. Au moins l’un d’entre eux m’a assuré de rembourser dix millions de F CFA au titre de ma campagne électorale. Par la suite, il m’a été fait savoir que si je refusais, je pourrais ne pas disposer du budget conséquent pour travailler au développement de ma commune. »
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Ces ralliements spectaculaires – comme celui de Blaise Kinampinan Coulibaly, nouvel élu sous la bannière du PDCI, à Tortiya (nord) -, font couler beaucoup d’encre. D’autant que lors de la campagne électorale, la ministre de l’Éducation nationale Kandia Camara, numéro deux du parti présidentiel, s’en était violemment prise à ces candidats. « Un candidat indépendant est un mauvais militant, un mauvais perdant, un indiscipliné », affirmait-elle en juin dernier, dans une interview à Jeune Afrique.
Allégeances en privé à Daoukro
En substance, ces ralliements soulèvent la question de l’éthique de certains politiques ivoiriens. « Il existe des personnes qui retournent tellement leurs vestes qu’elles ne savent plus faire la différence entre l’envers et l’endroit de celles-ci », s’est pour sa part offusqué publiquement Bonaventure Kalou. L’ex-international ivoirien, élu indépendant à Vavoua (centre-ouest), a également démenti avoir été approché par des cadres du RHDP, après la publication d’une image sur la page Facebook d’Albert Toikeusse Mabri, qui les montrait côte à côte, et avait davantage semé la confusion. La photo faisait en effet partie d’un album sur lequel le ministre s’affiche également avec un élu indépendant qui, lui, a prêté allégeance au RHDP…
Ce sont des ralliements à valeur symbolique », selon l’analyste Innocent Gnelbin
De leur côté, les élus indépendants issus du PDCI marquent pour la plupart le pas, pour diverses raisons. Un grand nombre d’entre eux disent avoir été approchés par le RHDP, mais préfèrent ne pas franchir le cap du ralliement, pour ne pas subir la colère de leurs électeurs. Certains se sont néanmoins rendus à Daoukro, chez Henri Konan Bédié, pour lui faire allégeance en privé. Jean-Marc Kouadio Kouassi, élu indépendant à Béoumi (centre) a, lui, préféré rendre public son déplacement à Daoukro.
Pour l’analyste politique Innocent Gnelbin, « ce sont des ralliements à valeur symbolique, le vote a déjà eu lieu et l’électeur a déjà eu à choisir. Le ralliement ou non d’un individu à un parti politique n’a aucune incidence sur le rejet ou l’adhésion des électeurs à ce parti. Tout cela fait partie du folklore du jeu politique ivoirien, qui n’apporte, en définitive, aucune valeur ajoutée au débat politique. »
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