Start-up de la semaine : en Tunisie, Expensya automatise la gestion des notes de frais

La start-up tunisienne, qui affiche déjà un portefeuille clients de quelque 4 000 entreprises, a récemment signé un partenariat commercial avec Uber et prépare sa deuxième levée de fonds.

Les deux associés de Expensya, Karim Jouini, Fondateur et CEO, à gauche et Jihed Othmani, associé et CTO, à droite. © Expensya

Les deux associés de Expensya, Karim Jouini, Fondateur et CEO, à gauche et Jihed Othmani, associé et CTO, à droite. © Expensya

Publié le 26 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

Prendre le taxi ou le train, louer une voiture, régler la note du restaurant… Expensya permet en un clic – une photo du reçu via l’application – d’automatiser tout le processus de gestion de notes de frais au sein d’une entreprise. En 2017, la start-up tunisienne fondée par Karim Jouini, rejoint par son ami, Jihed Othmani a levé un million d’euros auprès de business angels et de Bpifrance. Les deux associés préparent leur deuxième levée de fonds et ont signé un partenariat commercial avec Uber : dès novembre, leur solution sera intégrée à l’application de transport américaine.

Du simple consultant à la multinationale de 100 000 salariés, 4 000 sociétés, réparties dans une cinquantaine de pays, ont adopté Expensya. Parmi ses récentes conquêtes, le groupe BPCE, OVH, Thales, Intersport ou encore Tupperware. Chaque semaine, dix millions d’euros de frais sont ainsi traités via l’application – un chiffre qui double tous les cinq mois depuis 2016. La tarification, par abonnement, 5 euros par mois et par salarié, est dégressive pour les gros comptes. Karim Jouini reste discret sur les résultats financiers de son entreprise.

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Traduite en huit langues

Leader du marché en France en termes de croissance, la start-up tunisienne a obtenu le statut d’archiveur dans 17 pays. Autrement dit, le client peut jeter le papier. L’application, traduite en huit langues, s’adapte par ailleurs aux règles de comptabilité locales d’une cinquantaine de pays et aux spécificités des entreprises.

Avant la révolution, étant donné le niveau de corruption et d’injustice, l’idée de rentrer était pour nous inconcevable

Les deux associés se sont rencontrés en 2006 à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) à Toulouse, dans le sud de la France, où ils font leurs études d’ingénieurs. Karim Jouini est originaire de Tunis, Jihed Othmani, de Nabeul (nord-est). Proches amis, ils travaillent ensemble six ans plus tard, chez Microsoft, dans le même service, à Paris.

« Avant la révolution, étant donné le niveau de corruption et d’injustice, l’idée de rentrer était pour nous inconcevable, explique Karim Jouini. On y a vu une opportunité », ajoute-t-il. À cette époque, les deux Franco-Tunisiens, âgés de 25 et 27 ans, se retrouvent avec leur bande d’amis, tous les vendredis soir dans un café du sud de Paris. Une quinzaine de potes, tous issus de la diaspora tunisienne. « En cinq ans, on est tous devenu entrepreneurs ! », plaisante Karim Jouini.

Dans leurs têtes, germe aussi l’idée de monter leur propre affaire. « Nous avions envie de monter une start-up et nous détestions tous les deux faire des notes de frais », poursuit-il. Le concept était né.

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Premier prototype en 2013

En 2013, pour les vacances de Noël, Karim Jouini s’envole pour Dubaï. Durant le vol, il met au point le premier prototype de la technologie d’intelligence artificielle qu’utilise Expensya. Sur le chemin du retour, sa décision est prise : « Je quitte Microsoft », écrit-il à Jihed Othmani. Son ami vient tout juste de se marier, il lui répond : « Ok, mais pas tout de suite. » Karim Jouini se lance donc seul. « À cette époque, je ne savais pas que ça serait aussi dur », s’exclame ce dernier.

Fils de diplomate, il s’est passionné pour la programmation quand adolescent, il vivait avec sa famille au Nigeria. « Nous étions dans un contexte ultra-sécurisé, les journées étaient longues et nos allers-et-venues limités au trajet entre la maison et l’école, au bout de la rue », raconte Karim Jouini. En autodidacte, il apprend à coder. Et l’été, il tient la caisse dans un cybercafé.

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Il crée sa première application, Publinet, au lycée. « Quand t’as un truc qui t’embête, pourquoi ne pas l’automatiser ? », plaisante l’ingénieur informatique. D’un salaire mensuel de 160 dinars, il passe à 300 dinars par semaine et vend sa solution aux quatre coins de la ville. « Je me suis rendu compte tôt que le plus dur, c’est de vendre », explique avec le recul, Karim Jouini. Sans compter la maintenance, les mises à jour à faire, les relations avec les clients…

Installation à Tunis en 2014

Après avoir quitté Microsoft, Karim Jouini s’installe à Tunis en septembre 2014. Il a déjà une équipe de quatre ingénieurs et des locaux. La jeune pousse a pris racine à Cogite, un espace de coworking situé aux Berges du Lac, le quartier d’affaires de la capitale. « Cogite nous a aidé à recruter et à trouver un réseau », poursuit le fondateur d’Expensya.

Le start-upeur part avec une mise de départ d’environ 200 000 euros, en comptant ses économies et le soutien de Réseau Entreprendre, de la Bpifrance et Paris Initiative. En mai 2015, la première version beta de Expensya est prête. L’application gagne ses premiers clients, des TPE et PME françaises.

Début 2016, Jihed Othmani se laisse enfin convaincre par son ami de le rejoindre dans l’aventure. Papa d’un enfant de six mois, il s’installe à Tunis au printemps. « Passer d’un salaire de 100 000 euros par an à zéro, c’est compliqué ! », reconnaît Karim Jouini, qui s’impatientait de le voir venir. Jihed Othmani devient directeur technique. Karim Jouini, lui, retourne à Paris, ouvrir un bureau commercial pour se rapprocher de les clients européens, leur principal marché.

Une soixantaine de salariés

« L’objectif était aussi de les rassurer, explique le CEO d’Expensya, notamment sur le volet de la protection des données stockées et, sur un plan organisationnel, de moins souffrir des contraintes liées aux visas ». Pour ouvrir ce bureau, les deux associés bénéficient de l’appui de leur entourage qui investit 200 000 euros dans la société. Et, rapidement, acquièrent leurs premiers gros poissons : Elior, Grant Thornton et Viseo Group.

Expensya compte actuellement une soixantaine de salariés, quinze à Paris et quarante-cinq à Tunis où est basé le pôle R&D. La start-up a ouvert vingt postes d’ingénieurs pour lesquels elle cherche à recruter localement et dans la diaspora. « La Tunisie n’est pas attractive pour les ingénieurs tunisiens expérimentés. Pour les attirer à Expensya, on les traite mieux qu’ailleurs », explique Karim Jouini.

Expensya aide par ailleurs régulièrement les jeunes qui souhaitent entreprendre en Tunisie. « Nous essayons d’être actifs pour contribuer à l’écosystème entrepreneurial tunisien, en pleine éclosion, souligne Karim Jouini. Notre impact, il est là. Nous voulons prouver par l’exemple que c’est faisable », ajoute l’entrepreneur.

Vendre du rêve pour susciter l’envie à d’autres de créer leur start-up, les deux associés puisent là aussi leur motivation à faire de leur entreprise l’un des futurs champions tunisiens.

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