Quand l’Afrique décolle à Kourou
Kourou, 21 décembre 2007, deux heures avant le décollage. Le premier satellite panafricain de télécommunications va être lancé depuis la Guyane, département français d’outre-mer situé sur les bords de l’Atlantique, au nord du Brésil. Unique en son genre, le projet soutenu par 45 gouvernements du continent a mis quinze ans à se concrétiser, et l’on attend beaucoup de sa mise en service pour le développement de la téléphonie rurale en Afrique.
L’effervescence est à son comble. Les ministres des Télécommunications de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Bénin et de la Guinée ont fait le déplacement, ainsi que les dirigeants de toutes les entreprises impliquées, au premier rang desquelles RascomStar, société maître d’uvre et opératrice du projet Rascom, Arianespace (responsable du lanceur) et Thales Alenia Space (constructeur du satellite). Les personnalités officielles se pressent au centre de contrôle, qui dirige les opérations, tandis que la majeure partie des cadres – une centaine de personnes – et des journalistes partent en direction d’un site d’observation situé à 5 km du pas de tir.
Vers 18 heures, à la nuit tombante, la « séquence synchronisée » commence. Il reste sept minutes avant la mise à feu de l’Ariane 5. Les 400 tonnes de combustible de l’engin haut de 46 mètres lui permettront d’atteindre 600 km d’altitude. Par deux fois, la tension monte encore d’un cran. Le compte à rebours est suspendu, puis réinitialisé. D’abord, une des mesures – il y en a plusieurs milliers – doit être vérifiée. Ensuite, un inquiétant nuage d’orage passant à proximité fait craindre un report. Enfin, à 18 h 42, le décompte est mené à son terme. Il était temps : la fenêtre de tir n’est que de quarante-quatre minutes.
« Six, cinq zéro Allumage Vulcain », commente sobrement le directeur des opérations (DDO) pour décrire la mise en route du moteur principal. On ne distingue d’abord qu’un halo de lumière qui s’élève lentement dans le silence. Puis vient le bruit, retentissant, et Ariane entame son ascension. Au bout de quelques secondes, on ne voit plus qu’un immense panache de flammes – plusieurs centaines de mètres de long – à travers les nuages.
Moins de trente minutes plus tard, le satellite Rascom QAF 1, ainsi que son confrère Horizons 2, un petit satellite américano-japonais de télécommunications, sont largués en orbite de transfert à une vitesse de près de 9 km/s. L’assistance explose de joie. Tout le monde s’embrasse et se congratule
Pourtant, rien n’est joué : dix jours plus tard, on apprenait que le satellite panafricain connaissait de sérieuses difficultés en raison d’une fuite de l’hélium servant à pressuriser ses réservoirs de carburant Selon les ingénieurs, il serait sur le point d’atteindre son « lieu de travail » définitif : l’orbite géostationnaire située à 36 000 km de la Terre, à la verticale de l’Afrique ; mais sa durée de vie, d’abord estimée à quinze ans, sera considérablement réduite
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