[Analyse] Nouvelle hausse du brut : les États producteurs africains sont-ils prêts ?

Charles Thiémélé, directeur du développement en Afrique d’AOT Trading, recommande aux États producteurs africains de mettre en place des mécanismes destinés à atténuer les effets de la variations du prix du brut sur leurs économies.

Au Nigeria, sur le gisement offshore Bonga exploité par Shell, le 26 décembre 2011 © Sunday Alamba/AP/SIPA

Au Nigeria, sur le gisement offshore Bonga exploité par Shell, le 26 décembre 2011 © Sunday Alamba/AP/SIPA

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Publié le 5 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Avec la perspective de nouvelles sanctions contre l’Iran et les incertitudes concernant les relations entre les grandes puissances et l’Arabie saoudite, la courbe du brut est repartie à la hausse, franchissant début octobre le palier des 85 dollars par baril, du jamais vu depuis novembre 2014. En dépit de son fléchissement depuis, certains analystes prévoient aujourd’hui un franchissement des 100 dollars par baril.

Il devient à nouveau opportun de se poser la question suivante : nos États producteurs ont-ils tiré les leçons de la dernière chute des cours de 2015-2016 qui avait provoqué nombre de crises budgétaires, plongeant certains d’entre eux au bord de la banqueroute ? Des mécanismes ont-ils été mis en place pour éviter aux populations d’être à la merci de ces vagues ascendantes et descendantes du prix de l’or noir ?

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Importer des produits raffinés

Un État producteur engrange des recettes en vendant son pétrole brut au prix du marché. Plus ce prix est élevé et plus il perçoit de recettes, donc de devises. Malheureusement, dans la majorité des cas, nos États africains producteurs ne transforment pas assez localement leur brut, et doivent donc également importer des produits raffinés. Ils sont donc obligés de sacrifier une part importante de cette manne pour payer les subventions nécessaires à maintenir un prix acceptable aux consommateurs et aux transporteurs. Pour le Nigeria, le deuxième plus gros producteur – mais aussi le pays le plus peuplé du continent –, la subvention représente la moitié de ses recettes, soit plus de 3 milliards de dollars par an.

Les États producteurs en Afrique, qui représentent près de la moitié des nations du continent, sont peu ou prou dans la même situation que le Nigeria. Cette tendance répandue à la régulation des prix à la pompe, tentante sur le plan politique, fait de la hausse des cours à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.

Pour que cela change, il faudrait faire les ajustements suivants :

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Une politique d’investissement

1/ retrouver une politique d’investissement adaptée aux besoins locaux, lesquels sont directement corrélés à la croissance de la population. Les principaux producteurs de brut doivent augmenter leurs capacités de raffinage et se munir des infrastructures portuaires adéquates. Il leur faut également augmenter les investissements dans l’exploration en partenariat avec les majors présentes sur le continent afin d’augmenter le potentiel de recouvrement des réserves prouvées… et remplacer les champs d’hydrocarbures vieillissants dont la production périclite.

Trop de pays sont bien en dessous de leurs capacités réelles de production, tels que l’Angola, le Nigeria et la Libye, encore loin des 2 millions de barils par jour qu’ils devraient être capables d’atteindre. Le manque à gagner lié à la diminution de la production croît avec un brut cher;

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2/ établir un mécanisme de péréquation avec des fonds pour les générations futures qui permettront, au-dessus d’un niveau des cours bien défini, de constituer une cagnotte dont l’utilisation aidera à stabiliser le budget de l’État. Un système qui pourrait être complété par des mécanismes de couverture;

Transparence sur la gestion des ressources

3/ éliminer progressivement les subventions des prix à la pompe. Il devient de plus en plus difficile de comprendre qu’ils ne soient pas flottants, dans un monde où le pétrole deviendra, sur le long terme, nécessairement plus cher. Pour rendre acceptables ces variations de prix aux consommateurs, les États devront développer en contrepartie la transparence sur la gestion des ressources du secteur extractif.

Alors que les prix semblent revenus à un niveau élevé, et au moment où de nouveaux pays pétroliers, comme le Sénégal, la Mauritanie, ainsi que l’Ouganda, s’apprêtent à exploiter des découvertes importantes, les autorités des États africains producteurs de pétrole et de gaz doivent adopter ces mesures pour protéger durablement leurs finances publiques.

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