Le who’s who du djihad

En septembre 2007, les forces américaines ont découvert près de la frontière syrienne le fichier de quelque sept cents volontaires étrangers enrôlés sous la bannière d’Al-Qaïda. Ce document stupéfiant est aujourd’hui accessible sur Internet.

Publié le 28 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Désormais, on sait à peu près tout sur le djihad en Irak. Ou, plus exactement, sur les volontaires venus de tout le monde arabe pour combattre sous la bannière d’Al-Qaïda les forces américaines et leurs alliés. Un fichier des djihadistes étrangers est disponible sur le Net grâce au Combating Terrorism Center (CTC), un organisme américain de recherche dépendant de l’Académie militaire de West Point.
C’est lors d’une opération menée en septembre 2007 contre une base d’Al-Qaïda à Sinjar, près de la frontière syrienne, que les Américains ont découvert le butin : des ordinateurs portables contenant des fiches de signalement en bonne et due forme. Celles-ci concernent sept cents djihadistes qui ont rejoint l’Irak, pour la plupart via la Syrie, entre août 2006 et août 2007. On connaissait l’existence de ces documents (J.A. n° 2446 du 25 novembre 2007), mais c’est la première fois que le fichier de Sinjar est diffusé dans son intégralité, en arabe et en anglais, avec la bénédiction des autorités américaines.
Une fois éliminés les doublons et les documents inutilisables, le CTC a retenu 606 fiches qui ont alimenté une analyse très éclairante du djihad en Irak. Chacune d’elles ressemble à n’importe quel document administratif du même genre. En haut à droite, sous le logo d’Al-Qaïda, on peut lire « Conseil de la Choura islamique », l’instance qui, depuis octobre 2006, coiffe l’État islamique en Irak. À gauche, la photo du combattant. Au milieu : la mention « fiche personnelle ». Tout y est : nom et prénom, nom de guerre, adresse, téléphones et date de naissance.
On note aussi la date d’arrivée et l’itinéraire emprunté, ainsi que l’identité des hommes chargés de la coordination (probablement entre les réseaux logistiques à l’extérieur et l’organisation en Irak) et de l’affectation des combattants. Une case est réservée au métier exercé dans le pays d’origine, mais aussi le « travail » que le futur djihadiste souhaite se voir confier : combattant ou martyr (kamikaze). Le « frère » est censé mentionner à la fin ses dernières volontés, mais, souvent, il s’en abstient.

Les Saoudiens en nombre
Le fichier de Sinjar nous apprend que les volontaires les plus nombreux viennent d’Arabie saoudite, qui produit des djihadistes comme du pétrole : 41 % d’entre eux, soit 244 recrues (sur 595), sont originaires du royaume wahhabite. La Libye, autre pays pétrolier, vient ensuite avec 112 combattants (18,8 %), devant, dans l’ordre, la Syrie (8,2 %), le Yémen (8,1 %) et l’Algérie (7,2 %). Le Maroc fournit 36 djihadistes (6,1 %) et la Jordanie 11 (1,9 %).
Qu’en est-il des villes de provenance ? Sur les 590 fiches mentionnant les pays d’origine, 440 précisent la ville. Derna, en Libye, dont la population ne dépasse pas 80 000 habitants, et Riyad, qui en compte 4,3 millions, remportent la palme avec pratiquement le même nombre de combattants (52 et 51). Viennent ensuite : La Mecque (43), Benghazi (21) et Casablanca (17).
Sur les 36 Marocains figurant dans le fichier, 26 indiquent leur ville d’origine. Ce qui donne : Casablanca (65, 4 %), Tétouan (19,2 %), Tanger (11,5 %) et Taroudant (3,8 %). Sur les 43 combattants algériens, 22 en font de même. 36,4 % viennent d’El Oued, 22,7 % d’Alger et 9,1 % de Baraki, dans la grande banlieue de la capitale, et de Constantine.
L’âge moyen des djihadistes avoisine 24-25 ans. Le plus vieux a 54 ans, le benjamin, un Saoudien de Taif, venait d’avoir 15 ans à son arrivée. Il est clair qu’on a affaire à une nouvelle génération qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
Sous le chapitre des activités professionnelles antérieures, on découvre des informations intéressantes – et préoccupantes. Sur les 606 combattants fichés, seuls 157 précisent ce qu’ils faisaient avant de rejoindre l’Irak. 67 d’entre eux (42,6 %) étaient étudiants. Parmi les autres, on trouve des instituteurs (5), des ingénieurs (4), des médecins (3), mais aussi des militaires (5) et un kinésithérapeute.
Reste le clou du ficher de Sinjar : le choix du futur « travail » (combattant ou kamikaze). Sur 389 recrues, plus de la moitié (56,3 %) se destinent à devenir des bombes humaines et 41,9 % préfèrent le combat traditionnel. Ceux qui restent veulent être utilisés selon leurs compétences particulières : soins médicaux (3), opérations médiatiques (2) ou fabrication de faux papiers.
Le choix du « travail » rapporté au pays d’origine est édifiant. Dans la catégorie des martyrs, ce sont proportionnellement les Marocains qui arrivent en tête avec 91,7 %, suivis par les Libyens (85,2 %), les Syriens (65,6 %) et les Saoudiens (50,3 %), les Tunisiens restant loin derrière avec 41,7 %. Quant aux Algériens, ils préfèrent massivement (83,3 %) combattre et ne sont que 13,9 % à vouloir jouer les kamikazes.

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