Les deniers du culte

Dons des fidèles, subventions publiques dans les pays qui les autorisent, enveloppes venues d’ailleurs…Comment sont financés les bâtiments religieux en terre européenne ?

Publié le 28 janvier 2008 Lecture : 4 minutes.

L’argent des mosquées est perçu, à tort ou à raison, comme issu d’un processus occulte, qui reposerait sur la manne des pétrodollars en provenance des riches monarchies du Golfe, quand ce n’est pas des milieux liés à Al-Qaïda. En réalité, les lieux de culte musulmans manquent aujourd’hui cruellement d’argent et ne parviennent pas à s’autofinancer. Pour construire des bâtiments, les organisations musulmanes bénéficient de plusieurs sources de financement.
La première est alimentée par les dons des fidèles, en particulier la zakat, l’impôt religieux. Tout musulman qui en a les moyens doit verser annuellement l’équivalent de 2,5 % de son épargne. Faute de direction centralisée, ce sont les grandes mosquées et les associations communautaires qui recueillent les dons et les répartissent.
Le marché des produits halal représente une deuxième source de financement. En France, où les grandes mosquées ont le monopole de la certification halal et délivrent les autorisations, qui coûtent entre 150 et 200 euros, ce « business » représente 3 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

L’argent des autres
Même si les sommes envoyées sont beaucoup moins importantes qu’on ne le dit, les pays du Golfe, l’Arabie saoudite en tête, continuent de participer au financement des mosquées en dehors des terres d’islam. Mais ces revenus de l’extérieur placent souvent les musulmans d’Europe dans une situation paradoxale. Alors qu’ils sont majoritairement originaires du Maghreb, donc de rite malikite (sunnite modéré), leurs lieux de culte dépendent des Saoudiens, qui appartiennent au courant rigoriste wahhabite. Tout est alors sujet à controverses, à commencer par le style architectural des mosquées. Par ailleurs, l’usage réel de ces fonds est l’objet de toutes les suspicions.
Au mois de juin 2007, au sud de Séville, en Espagne, le projet de construction de l’une des plus grandes mosquées d’Europe a été abandonné. L’édifice serait trop grand. En fait, le quotidien conservateur espagnol ABC a révélé que la mosquée de Séville serait financée par l’argent des Émirats arabes unis. Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère des riverains. « On ne sait pas à quoi vont servir ces fonds. Derrière l’action caritative se cache peut-être un endoctrinement qui vise à encourager le djihad en Espagne », accuse un Sévillois. Résultat : la municipalité a annulé le permis de construire. En 2006, à Nice, dans le sud de la France, une demande d’autorisation pour l’édification d’une mosquée financée par l’Arabie Saoudite avait aussi été rejetée. Dans toute l’Europe, les autorités veulent limiter la construction des mosquées à l’aide de fonds étrangers et préfèrent s’orienter vers les subventions publiques. Mais certains pays, comme la France, n’ont pas le choix. Au nom de la séparation de l’Église et de l’État, « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » (article 2 de la loi 1905). En pratique, le principe est souvent contourné. Les trois quarts des salles de prière en France se convertissent en associations « loi 1901 », ce qui leur permet de bénéficier des crédits consentis par les collectivités publiques. « Nous transformons nos lieux de culte en centres de loisirs et nous sommes reconnus en tant qu’associations culturelles. C’est magique », admet un imam de la région parisienne. Sans oublier le système des baux emphytéotiques, qui permet de louer pour une somme modique un terrain à long terme (de 18 à 99 ans) à une association désirant y ériger une mosquée.

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Subventions publiques
Il y a un an, alors qu’il était ministre de l’Intérieur chargé des Cultes, Nicolas Sarkozy s’est prononcé en faveur du financement des lieux de culte musulmans. Aujourd’hui, le dossier, jugé trop sensible, est sous le boisseau.
La situation est comparable en Allemagne dans la mesure où l’État ne finance généralement pas les cultes. Mais là encore, on trouve des accommodements avec les règles et les principes. Une fois reconnus en tant que « corporations de droit public », les lieux de culte musulmans peuvent recevoir de l’argent de l’État. C’est le cas de la mosquée de Marxloh, située dans un quartier ouvrier de Duisbourg. En proposant des activités non religieuses, comme des cours d’allemand et de turc, la mosquée a reçu des aides de la municipalité de la ville et un investissement de 3,2 millions d’euros de l’Union européenne. « Il faut bien sortir l’islam des caves », admettent certains élus allemands.
À l’inverse, d’autres pays européens, comme la Belgique, participent directement au financement des mosquées. Progressivement, le royaume a décidé de mettre tous les cultes sur un pied d’égalité en reconnaissant ses mosquées, en rémunérant les imams et en participant au financement des salles de prière. En contrepartie, les mosquées s’imposent la transparence en laissant contrôler leurs comptes. Un échange de bons procédés qui semble, pour le moment, convenir aux différentes parties.

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