Du pareil au même ?

Les grands cinéastes ne parviennent pas toujours à se renouveler, au risque de lasser leur public. Exemple et contre-exemple avec les derniers films de Kusturica et des frères Coen.

Publié le 28 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Difficile de ne pas se réjouir face aux films de cinéastes qui possèdent un style affirmé, marque le plus souvent d’un grand talent. Voilà pourquoi, par exemple, on guette toujours avec impatience la sortie du Woody Allen de l’année, du nouveau Tarantino ou, pour parler des Africains, du dernier Abdellatif Kechiche ou du prochain Abderrahmane Sissako. Mais toujours avec le risque d’être déçu si leur uvre n’est pas à la hauteur de l’attente, notamment parce que, plus on a un style affirmé, plus on risque la répétition, donc de ne plus surprendre ou d’ennuyer le spectateur. Deux nouveaux films permettent de s’en rendre compte, l’un en butant contre l’obstacle, l’autre en l’évitant brillamment.
Le plus illustre des cinéastes de l’ancienne Yougoslavie et aujourd’hui de la Serbie, double Palme d’or à Cannes dans les années 1990, jamais décevant jusqu’ici, Emir Kusturica, nous livre son dernier long-métrage, Promets-moi (sortie à Paris le 30 janvier). Il raconte les aventures et mésaventures d’un jeune villageois qui part à la ville à la demande de son grand-père mourant pour vendre la vache familiale et y trouver, avec l’argent obtenu, une icône et une épouse. Une fois de plus, malgré le décor en bonne partie urbain, un sujet « campagnard », avec force animaux imprévisibles et autres scènes truculentes, comme dans tous les films de l’auteur. Seulement, à force de parcourir en tous sens le même univers du grotesque rural et de la farce balkanique, Kusturica finit par lasser quand, comme dans ce cas, il ne nous propose rien de nouveau, rien de surprenant. Le magicien semble avoir perdu sa baguette même si, heureusement, il a gardé un solide sens de l’humour, qui permettra à ses inconditionnels de ne pas désespérer en attendant son prochain film. Si, comme prévu, celui-ci est un documentaire consacré à Maradona, au moins sera-t-on sûr d’échapper à la énième répétition du même thème tourné de la même façon par le même réalisateur.
À l’opposé, alors que leurs derniers films – Intolérable cruauté, Ladykillers, The Barber – avaient déçu leurs admirateurs, les célèbres jumeaux Joel et Ethan Coen, également Palme d’or, font un retour tonitruant et réjouissant avec No Country for Old Men (sorti à Paris le 23 janvier), d’après un remarquable roman de Cormac McCarthy. Alors que leur façon unique de mélanger humour et noirceur dans des pseudo-polars déjantés avait fini par tourner au procédé, ils réussissent cette fois-ci à retrouver la fraîcheur, l’inventivité et la maîtrise du récit qui avaient fait autrefois leur succès, depuis leur début fracassant avec Sang pour sang, sans doute leur chef-d’uvre, jusqu’à Fargo.
No Country for Old Men nous fait assister à la cavale éperdue d’un jeune Texan qui a découvert un énorme magot dans une camionnette entourée de cadavres à la frontière du Mexique sans savoir qu’il appartenait à des trafiquants de drogue redoutables. Une chasse à l’homme, menée par un cruel tueur psychopathe (Javier Bardem, étonnant et terrifiant) à la solde des trafiquants sous les yeux d’un vieux shérif dépassé par les événements (magnifique Tommy Lee Jones), qui aurait pu n’être qu’un thriller de plus à la mode Coen. Mais en réussissant à donner de l’épaisseur à leur sujet, à tenir le spectateur en haleine sans pour autant perdre leur causticité, à multiplier les scènes d’anthologie réglées avec brio, les réalisateurs redonnent ses lettres de noblesse au film noir dans sa version années 2000. Sans pour autant changer de style, ils sont redevenus les cinéastes originaux qu’on aimait tant.

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