Agro-industrie : Malô fait le plein de vitamines

Malô, une entreprise créée il y a deux ans par les frères Niang au Mali, produit du riz enrichi en micronutriments. Une première en Afrique, sur un marché en pleine croissance.

Salif et Mohamed Niang, dans leur usine de Bamako. © Tanya Bindra/JA

Salif et Mohamed Niang, dans leur usine de Bamako. © Tanya Bindra/JA

Publié le 30 septembre 2014 Lecture : 0 minute.

C’est juste après les émeutes de la faim de 2008 qu’une vision innovante de l’agroalimentaire a germé dans l’esprit de Salif et de Mohamed Niang (30 ans et 26 ans), qui achevaient alors leurs études aux États-Unis. Cette année-là, les prix des produits de base, en particulier ceux des céréales, flambent.

Pour prévenir le risque de crise alimentaire, le gouvernement de Modibo Sidibé lance l’Initiative riz. Beaucoup d’argent dépensé pour des résultats décevants : en subventionnant les engrais, le pays double sa production en un an, mais, faute d’infrastructures suffisantes pour la transformation et le stockage, une grande partie de la récolte périt.

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Toujours étudiants, les frères Niang remportent différents concours et les 130 000 dollars (environ 100 000 euros) grâce auxquels, de retour au Mali en 2011, ils lancent Malô (« riz », en bambara), la première entreprise du continent à produire du riz local fortifié, c’est-à-dire enrichi en micronutriments (fer, vitamines A, B9, B12, etc.), ce qui permet donc d’éviter les carences.

L’objectif des frères Niang ? Contribuer à résoudre le paradoxe malien. Le pays produit en effet assez de riz pour être autosuffisant. Pourtant, il en importe massivement.

Paradoxe

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L’objectif des frères Niang ? Contribuer à résoudre le paradoxe malien. Le pays produit en effet assez de riz (davantage que la Thaïlande, par exemple) pour être autosuffisant. Pourtant, il en importe massivement. Les deux frères souhaitent par ailleurs que les riziculteurs ne soient plus la proie des spéculateurs et soient assurés de revenus fixes. « Certains importateurs stockent leur riz en Côte d’Ivoire et en font venir, du jour au lendemain, des dizaines de milliers de tonnes qui inondent le marché, explique Salif Niang. Nous ne voulons pas nous inscrire dans cette logique. »

Pour alimenter leur usine, les Niang se rapprochent d’une coopérative de cultivateurs de Niono, au sein de l’Office du Niger. Ils les rémunèrent selon un prix fixe, tenant compte des coûts de production et supérieur aux tarifs pratiqués dans la zone.

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« Il ne s’agit pas de concurrencer les paysans dans leur travail de culture, précise Salif Niang, mais d’intervenir après la récolte, sur les étapes qu’ils ne peuvent assurer. » Séchage, stockage, blanchiment, broyage et enrichissement du riz, conditionnement (en sacs de 10 kg ou de 25 kg), commercialisation, distribution… Ça, c’est le travail de Malô.

En 2012, pendant la phase pilote, l’entreprise est parvenue à vendre 10 tonnes de riz fortifié sur le marché local, commercialisé sous la marque Malô. Tout a été fait pour conserver à ce produit l’aspect et la saveur du riz classique. Certes, il est vendu plus cher, mais Salif Niang ne doute pas que les Maliens s’y habitueront rapidement.

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Le potentiel est là, puisque la consommation nationale annuelle de riz est estimée à 63 kg par personne. Et Malô est en passe d’achever la construction d’une nouvelle usine à Bamako, qui permettra de quadrupler la production (de 1 000 à 4 000 t par an).

Biodiversité

Prochaine étape : produire les vitamines au Mali plutôt que les importer. Un projet que les deux entrepreneurs espèrent pouvoir rapidement réaliser grâce au retour des investisseurs dans le pays. À moyen terme, ils comptent aussi exporter leurs produits, ce qui permettra à la fois de développer leurs activités et de maintenir la biodiversité des céréales locales.

« Soumis à des pressions financières, les paysans abandonnent la culture de variétés locales, comme le riz rose de Tombouctou, le sorgho et le mil traditionnels, pourtant bien plus nutritifs, au profit du riz hybride, moins riche mais plus facile à cultiver, déplore Salif Niang. Nous voulons changer cela. » Et le jeune patron entend bien faire découvrir la qualité du riz malien « que personne ne connaît à l’étranger » en exportant ses produits « rares, biologiques et à haute valeur ajoutée » sur les marchés américain et européen.

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