Présidentielle en RDC : un sondage contesté par le camp Kabila donne Félix Tshisekedi favori

Les résultats du nouveau sondage du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), rendus publics ce mardi 30 octobre, placent l’opposant Félix Tshisekedi loin devant Emmanuel Ramazani Shadary, dont l’entourage dénonce une « volonté de conditionner l’électorat ». Au point d’influer sur le choix du candidat unique de l’opposition ?

Les candidats Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et Emmanuel Ramazani Shadary. © Capture d’écran du sondage de GEC et de Berci, octobre 2018.

Les candidats Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et Emmanuel Ramazani Shadary. © Capture d’écran du sondage de GEC et de Berci, octobre 2018.

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Publié le 30 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

Est-ce cette fulgurante percée de Félix Tshisekedi qui l’a incité à violer l’embargo ? Toujours est-il que c’est un diplomate, selon nos informations, qui a partagé le contenu du nouveau sondage du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), à la veille de la date prévue pour sa divulgation – mercredi 31 octobre. Dès ce mardi, en effet, ce document de 16 pages circulait déjà sur WhatsApp, obligeant ses auteurs à le rendre public avant l’heure.

Réalisé entre le 29 septembre et le 15 octobre 2018 auprès de 1179 personnes âgées de 18 ans et plus, réparties dans les 26 provinces du pays, ce cinquième « sondage d’opinion publique » du GEC, en association avec le Bureau d’études, de recherches et de consulting international (Berci), s’est penché sur la « redistribution des rapports de force politique » après la publication de la liste définitive des candidats en lice pour la présidentielle du 23 décembre en RDC.

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Félix Tshisekedi loin devant

« La principale leçon à tirer, c’est le changement de statut de Félix Tshisekedi », décrypte Jason Stearns, le directeur du GEC, basé à New York, que Jeune Afrique a joint par téléphone. Avec 36% d’intentions de vote, le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) profiterait ainsi des invalidations de candidatures de Jean-Pierre Bemba et de Moïse Katumbi pour devancer tous les autres candidats de l’opposition encore en lice : Vital Kamerhe (17%), Martin Fayulu (8%) et Freddy Matungulu (5%). Mais ce n’est pas tout.

Félix Tshisekedi devancerait Ramazani Shadary d’au moins sept millions de suffrages.

A en croire ce sondage, Félix Tshisekedi se placerait en effet loin devant Emmanuel Ramazani Shadary, le dauphin désigné in extremis par le président Joseph Kabila. « Les résultats de notre sondage font état d’un écart de 20 % entre les deux hommes : Félix Tshisekedi est crédité de 36 % alors que Ramazani Shadary ne parvient qu’à rassembler les quelque 16 % qui revenaient jadis collectivement aux anciens prétendants à la succession de Joseph Kabila », poursuit Jason Stearns.

Pour cet ancien expert onusien, expulsé de RDC en avril 2016, « si on le calque sur le taux de participation à la présidentielle de 2011 [58,81%], cet écart signifie surtout que Félix Tshisekedi devancerait aujourd’hui Ramazani Shadary d’au moins sept millions de suffrages ». En conséquence, selon Jason Stearns, « l’échelle de la fraude devra être énorme » pour garantir une victoire du candidat de la coalition au pouvoir.

« Ils veulent conditionner l’électorat »

Dans les rangs du Front commun pour le Congo (FCC, majorité présidentielle), on s’interroge sur l’opportunité de ce sondage. « Pourquoi les auteurs de cette prétendue enquête d’opinion n’ont-ils pas tenu compte de l’engouement constaté lors de la présentation de notre candidat, samedi 27 octobre, au stade Tata Raphaël, à Kinshasa ? » lance le professeur Adolphe Lumanu, l’un des stratèges de la « Kabilie », très proche d’Emmanuel Ramazani Shadary.

Au FCC, nous ne croyons pas à cette mise en scène concoctée depuis l’étranger.

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Pour celui qui est aussi l’un des vice-présidents du Conseil national de suivi de l’accord de la Saint-Sylvestre (CNSA), « ce sondage n’est qu’une façon de préparer l’opinion ». « Ils veulent conditionner l’électorat, mais ça ne marchera pas ! » jure-t-il, revendiquant le « contrôle de la situation à plus de 80 % ».

« Au sein du FCC, nous sommes sereins et confiants. Nous ne croyons pas du tout à cette mise en scène concoctée depuis l’étranger. Personne n’a aperçu les enquêteurs du GEC sur le terrain », tacle Adolphe Lumanu.

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« Les répondants ont été recrutés à partir d’une liste de 2000 numéros de téléphone cellulaire obtenus lors du sondage de BERCI/GEC de 2016, réalisé [à leur] domicile, à l’échelle nationale, dans plus de 400 sites d’enquête urbains et ruraux (…). Les interviews ont été téléchargées directement sur un serveur hébergé à distance par le site Web Ona.io, accessible à tous les partenaires en temps réel », répond-on par avance dans le rapport.

Adieu candidat unique de l’opposition ?

Au sein de l’opposition, le résultat engrangé par Félix Tshisekedi en termes d’intentions de vote risque de compliquer davantage le choix d’un candidat unique, analyse Jason Stearns. En tout cas, « cela ne va pas aider », estime-t-il, craignant que le fils de l’opposant historique, fort de ses 36 %, soit incité à faire cavalier seul, considérant qu’il n’a besoin de personne pour l’emporter lors d’un scrutin à un tour.

Et pourtant… Dans l’est du pays, « Vital Kamerhe consolide sa position auprès des électeurs du Nord Kivu, du Sud Kivu et de l’ex-Province Orientale ». De son côté, « Martin Fayulu fait une percée significative dans l’ancienne province du Bandundu ».

Dans l’entourage de Félix Tshisekedi, les choses sont désormais claires. « Ce sondage va permettre à chacun des candidats en lice de se regarder dans le miroir et il nous aidera dans le choix du candidat unique de l’opposition », soutient Peter Kazadi, directeur de cabinet adjoint du chef de l’UDPS.

À ses yeux, « les résultats de cette enquête d’opinion de GEC et de Berci reflètent la réalité sociopolitique du pays. Ils démontrent que la population considère l’UDPS comme l’alternative : la population verrait ainsi d’un mauvais œil que quelqu’un d’autre que Félix Tshisekedi soit désigné comme candidat unique de l’opposition. Car cela risquerait de nous conduire à l’échec ».

Katumbi, Kabila, Ceni… Ces autres leçons à tirer

Un nouveau sondage est annoncé avant l’échéance fatidique du 23 décembre. Et à ceux qui soupçonnent toujours le partenaire du GEC, le Berci, d’être proche de certains opposants dont Olivier Kamitatu, le directeur de cabinet de Moïse Katumbi, le GEC estime que « ces accusations ne sont pas fondées et que des gardes-fou ont été pris pour assurer la transparence et garantir la crédibilité de son enquête, notamment par le recrutement de consultants indépendants qui publiaient leurs résultats directement dans le cloud ». Une autre société de sondage indépendante sera à l’avenir associée à cette démarche pour « écarter toute suspicion », promet Jason Stearns.

Derniers enseignements du sondage : Moïse Katumbi, exclu du scrutin, resterait, d’après les estimations publiées ce mardi, le politique le plus populaire en RDC (82%), alors que la côte de Joseph Kabila ne ferait que chuter. Ainsi, 76% des personnes interrogées se font une « mauvaise opinion » du président sortant.

Idem pour Corneille Nangaa, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), sachant qu’ « une majorité des répondants (64%) ne fait pas confiance à la Ceni pour organiser des élections libres et transparentes », selon le sondage.

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