Touche pas à mon français !

Le député européen souverainiste Paul-Marie Coûteaux accuse les élites hexagonales d’avoir tué « leur » langue.

Publié le 27 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Est-ce l’opportunité de cette année des « Francofffonies », celle du centenaire de la naissance du grammairien Senghor ? L’angoisse de subir une anglicisation rampante des esprits ou peut-être, plus encore, de constater les faillites successives des réformes scolaires consacrées à son apprentissage ? Toujours est-il que la langue française redevient un terrain favorable au débat politique. Bien en a pris à l’énarque défroqué Paul-Marie Coûteaux d’avoir adroitement « ramassé », au sein des administrations, à l’étranger ou dans la rue, l’ensemble des stigmates qui traversent son expression, et d’avoir redonné envie d’en découdre avec la mauvaise conscience « francophone ».
Pour en arriver là, l’auteur n’y va pas par quatre chemins. Il accuse les grandes figures intellectuelles sanctuarisées d’avoir tué « leur » langue sous prétexte qu’elle était trop sophistiquée, voire « fasciste », comme l’avait proclamé Roland Barthes lors de son séminaire inaugural au Collège de France le 6 janvier 1977. De là naît un doute et, dans la foulée, un snobisme post-soixante-huitard décrétant une sorte de culpabilité linguistique. Comme par hasard, Michel Rocard, alors Premier ministre mais aussi intellectuel reconnu, s’engage en 1988 sur une modernisation du français en décidant, par voie réglementaire, d’en simplifier l’orthographe. Le simple fait d’avoir proposé la suppression de l’accent circonflexe souleva, souvenons-nous, un vague à l’âme national. Jusqu’au jour où un sondage dans France Soir de l’époque révélait que 98 % des personnes consultées refuseraient la réforme !
Depuis, la République est sur la défensive. Quand, en 1992, sonnée par les outrances de la mondialisation, la France décide d’inscrire dans l’article 2 de sa Constitution « le français est la langue de la République », il se trouva deux ans plus tard, lors des débats sur la loi Toubon, une opposition socialiste pour dénoncer « le mépris du langage des jeunes » et s’abstenir de voter. Si les ténors linguistes comme Alain Bentolila s’élevaient alors contre « les faux-semblants du français branché », le mal était fait : la langue française avait, aux yeux du monde, perdu de son identité nationale.
Coûteaux constate, dans le même temps, que rien n’est perdu. « Les langues naturellement protégées n’existent plus, dit-il. Seules survivront celles qui parviendront à s’insérer dans les grands réseaux de communication. » Avec ses 230 millions de locuteurs, le français fait jeu égal avec l’arabe, même s’il se situe loin derrière le mandarin (975 millions), l’anglais (480 millions), l’hindi (440 millions) et l’espagnol (390 millions). Ce simple constat permet d’avancer que le français dispose de toutes ses chances sur l’international. Une étude Internet souligne en effet que la Toile ne recense que dix langues d’usage dit « significatif ». Le français figure en sixième position, à égalité avec le coréen, bien que loin derrière les poids lourds anglais (35,8 %, en diminution) et chinois (14,1 %, en augmentation).
En critiquant ces élites françaises qui composent un peu trop facilement avec la « diversité » (fustigeant par là Jospin d’avoir, en 1995, légitimé les langues régionales pour mieux permettre l’« intégration » de celles des immigrés), l’auteur, député européen souverainiste et ancien chevènementiste, sort de ses gonds. Il établit que l’artillerie lourde des commissions ministérielles de terminologie et de néologie, inventées par Pompidou en son temps (et dont la vocation est de créer de nouveaux mots), reste la meilleure arme pour lutter ensemble contre l’anglo-américain galopant, dénommé ici « angloméré ». C’est peut-être oublier un peu vite que c’est l’usage qui a le pouvoir de faire la différence. Pas l’État.
En attendant, il est aussi une autre réalité : si la langue française continue d’occuper le terrain, en Afrique en particulier, c’est aussi parce qu’elle constitue, plus aujourd’hui encore qu’hier, une langue fédératrice. Elle a d’autant plus d’avenir au Sud que les langues locales sont progressivement reconnues et que le français devient, au Maghreb comme au sud du Sahara, un rempart inattendu contre les intégrismes.
La conclusion de Paul-Marie Coûteaux, faisant sien le propos du lacanien Jacques-Alain Miller, est féroce : « Aussi longtemps que la France officielle, droite et gauche confondues, ne communiera plus que dans l’obsédante haine de soi, la violence embrasera la cité, à mesure que s’éteindra la parole. »

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