Élection de Jair Bolsonaro : le projet de transfert de l’ambassade du Brésil à Jérusalem fait polémique

Après les États-Unis et le Guatemala, le Brésil pourrait être le troisième pays à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, comme l’a confirmé le nouveau président, Jair Bolsonaro.

Jair Bolsonaro, président élu du Brésil, lors d’une démonstration aérienne. © Leo Correa/AP/SIPA

Jair Bolsonaro, président élu du Brésil, lors d’une démonstration aérienne. © Leo Correa/AP/SIPA

Arianna Poletti

Publié le 3 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Le « Trump brésilien » continue de faire polémique avant même son investiture. Ce fervent admirateur d’Israël a confirmé ce qu’il avait annoncé à plusieurs reprises pendant la campagne électorale : Bolsonaro transférera l’ambassade du Brésil de Tel-Aviv à Jérusalem. Ce 1er novembre, le nouveau président a accordé sa première interview à un média étranger. Le choix du quotidien israélien Israel Ha-yom n’est pas anecdotique : « lorsqu’on me demandait, lors de la campagne, si je le ferais une fois devenu président, je répondais « oui, c’est vous qui décidez quelle est la capitale d’Israël, pas les autres nations » », a-t-il déclaré au quotidien. Cette décision controversée avait été anticipée par le tweet en portugais et en anglais.

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La réaction des Palestiniens ne s’est pas faite attendre : « C’est une mesure provocatrice, qui est illégale vis-à-vis du droit international et ne fait que déstabiliser la région », a ainsi déclaré Hanane Achraoui, haut-responsable du Conseil central palestinien de l’OLP [Organisation de libération de la Palestine].

Lors d’une conférence de presse, Jair Bolsonaro a affirmé qu’il ne pensait pas que cette annonce pourrait créer « un climat pesant » dans les relations entre Brésil et Proche-Orient. « Nous avons le plus grand respect pour le peuple d’Israël et pour le peuple arabe. Nous ne voulons faire du commerce avec tout le monde et rechercher des solutions pacifiques pour résoudre les problèmes », a-t-il ajouté.

Pourtant, la question de l’emplacement des ambassades en Israël est particulièrement sensible. Aussi bien l’État hébreux que les Palestiniens considèrent la Ville Sainte comme leur capitale : déplacer les ambassades de Tel Aviv à Jérusalem signifie donc reconnaître la souveraineté d’Israël sur Jérusalem. La décision de Donald Trump avait rallumé la flamme des protestations en Cisjordanie comme à Gaza, mais aussi dans d’autres pays arabes.

L’alchimie Bolsonaro – Netanyahou

Un rapprochement évident entre Brésil et État hébreu est en cours. Alors que l’ancien président Lula da Silva soutenait ouvertement la création de deux États indépendants, l’un palestinien et l’autre israélien, Bolsonaro se range derrière Israël et soutient notamment les politiques de Benjamin Netanyahou. Qui le lui rend bien. Comme rapporte The Times of Israel, le premier ministre israélien a félicité son « ami » pour ce pas « historique ».

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Benjamin Netanyahou a été l’un des premiers à congratuler son homologue brésilie, qui l’a tout de suite été invité à la cérémonie d’investiture du 1er janvier 2019. Comme l’affirme l’ambassadeur israélien à Brasilia Yossi Shelley, cité par le journal Folha de San Paulo, « il y a une alchimie entre les deux hommes ».

Jair Bolsonaro s’était déjà rendu en visite en Israël en 2016, où il s’était fait rebaptiser par un pasteur évangéliste dans les eaux du Jourdain avant de participer aux festivités d’anniversaire de la création de l’État d’Israël. « L’idéologie de Bolsonaro est très proche de l’évangélisme pentecôtiste, qui considère que Israël doit appartenir aux Juifs », explique Jean-Jaques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS et spécialiste de la politique brésilienne.

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La fin du dialogue avec les pays arabes 

Cette décision n’est pas sans conséquences pour le Brésil, qui entretient des relations avec des nombreux pays du monde arabe. « Entre 2005 et 2006, Lula a été à l’origine d’un dialogue entre Ligue arabe et Amérique latine. L’idée était d’avoir des conférences annuelles, des rencontres à caractère politique mais aussi économique et culturel », explique Kourliandsky. Lula da Silva avait même visité la région, en commençant par le Liban pour des évidentes raisons selon le chercheur : « Il y a plus de personnes d’origine syro-libanaise au Brésil que d’habitants au Liban. 100 millions de Brésiliens ont des origines libanaises », parmi lesquels il y a aussi son concurrent du parti des travailleurs Fernando Haddad et même son prédécesseur Michel Temer.

Le Brésil de Lula da Silva avait même essayé de se donner le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien. « Lula avait non seulement reconnu l’État de Palestine, mais en 2011 il avait convaincu tous les pays de l’Amérique du Sud à faire de même. Il avait aussi rendu visite à Israël, car il ne voulait pas apparaître comme unilatéral et il considérait que sur le plan du droit il fallait que les deux acteurs du contentieux soient mis sur le même niveau », explique Jean- Jaques Kourliandsky.

Des conséquences économiques

Mais depuis le succès de Bolsonaro, le discours a bien changé. Le nouveau président envisagerait même fermer l’ambassade palestinienne au Brésil, parce que « la Palestine n’est pas un pays, donc elle ne devrait pas avoir d’ambassade ici », déclarait-il en août 2018. Et il soulignait : « Nous ne négocierons pas avec des terroristes ».

Pourtant, les relations économiques entre le Brésil et les pays de la Ligue arabe sont étroites. La décision de Jair Bolsonaro pourrait avoir des lourdes conséquences économiques pour son pays selon le spécialiste : « dans sa campagne électorale il a été soutenu par le lobby des agro-exportateurs. Le Brésil, en tant que première puissance agricole du monde, a deux grands clients : la Chine et l’ensemble des pays de la Ligue Arabe. Avec le déplacement de l’ambassade, il y aura des réactions de la part de ces pays mais aussi internes au Brésil. »

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